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Le blog de Ritournelle

Peut-on trouver du plaisir au travail?

Ritournelle

C'est Aristote qui a justifié l'esclavage au motif qu'il fallait libérer les hommes - les citoyens en tout cas - des basses tâches . C'est Aristote encore qui dévalorisait le travail au regard d'activités supérieures telles la discussion entre amis, la délibération politique, ou la contemplation intellectuelle. On trouve néanmoins chez lui une idée de nature à nous réconcilier avec le travail et même avec l'effort. Il faut partir du finalisme d'Aristote : pour le fondateur du "lycée", la nature ne fait rien en vain. Le plaisir qu'elle nous donne lorsque nous faisons quelque chose avec talent n'est donc pas gratuit : il vient indiquer que nous le faisons parfaitement. Ce qui parachève la perfection d'un acte, dit-il précisément, c'est le plaisir que nous y prenons. En conséquence, si vous travaillez sans plaisir, c'est que vous n'y êtes pas encore parvenu pour cette activité-là, pour ce métier-là, ou cette tâche-là, à votre perfection! Le plaisir est ici pensé comme le véritable indice de la compétence. Spinoza définira la joie comme "passage d'une moindre à une plus grande perfection". On comprend toutes les implications d'une telle idée pour évaluer notre situation au travail : mon travail me rend joyeux lorsqu'il me permet de me développer, de "croître", ce qui d'ailleurs n'interdit pas la contrainte.
La thèse d'Aristote est proche mais plus subversive, moins compatible avec notre temps d'égalitarisme démocratique : à chacun sa perfection, à chacun de trouver la tâche qui, accomplie parfaitement, lui donnera du plaisir. Aristote évoque les artisans en des pages superbes : celui qui fait parfaitement ce qu'il fait, voilà l'homme heureux. Belle réponse à opposer à tous ceux qui, dans les cabinets de conseil ou sur les estrades, pensent qu'il est normal d'en baver au travail, voire jugent moins sérieux celui qui semble prendre du plaisir à la tâche. Avec Aristote, l'effort n'est jamais valorisé en tant que tel : il ne vaut que par le plaisir qu'il prépare et rend possible. Le but de l'effort, c'est la fin de l'effort.
Le but de la maîtrise, c'est qu'elle confine, dans une sorte de grâce de la compétence, à cette impression d'immaîtrise qui se nomme plaisir.
Charles Pépin - Exrtait de Philosophie magazine n° été 2014

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Commentaires
P
Ce n'est pas le drogué du travail que je suis qui va s'étendre sur le sujet. Oui le travail rend heureux...si on est passionné.<br /> Bise et belle journée...de travail?
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