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Le blog de Ritournelle

Montaigne, un philosophe d'aujourd'hui

Ritournelle

Lire ou relire "Les essais" apporte un éclairage sur notre monde. C'est ce que nous prouvent les auteurs suivants :

Albero Manguel :

Notre temps se délecte de bêtise et fait l'éloge de la banalité. Montaigne est utile pour passer de façon logique et aussi intuitive, sans craindre le détour créatif ni la distraction révélatrice, mais, au contraire, en cherchant ces détours et supposées distractions.
Aujourd'hui, nos valeurs sont anti-intellectuelles. Nous avons banalisé le présent et nous faisons l'éloge de ce qui est bref et facile. Montaigne nous parle certes, du plaisir du moment, mais dans une continuité qui donne à ce plaisir une profondeur pleine de sens, en s'arrêtant sur les détails infimes et émouvants, comme quand il parle du bonheur éprouvé par Socrate en se grattant la jambe peu de temps avant sa dernière heure.
"Il faut apprendre à souffrir ce qu'on ne peut éviter. Notre vie est composée, comme l'harmonie du monde, de choses contraires et de divers tons, doux et âpres, aigus et plats, mols et graves. Le musicien qui n'en aimerait que certains, que voudrait-il dire? Il faut qu'il sache s'en servir en commun et les mêler. Et nous aussi les biens et les maux, qui sont consubstantiels à notre vie
".
Aujourd'hui, ces mots pourraient nous servir d'avertissement , mais aussi de consolation.

Stefan Zweig :

"Car une des lois mystérieuses de la vie veut que nous n'apercevions toujours trop tard ses valeurs essentielles : la jeunesse quand elle s'enfuit, la santé dès qu'elle nous abandonne, la liberté, cette essence, précieuse entre toutes, de notre âme, à l'instant seulement où elle va nous être retirée, où elle nous a déjà été retirée."

Il aurait souri à la pensée de vouloir transposer sur d'autres hommes, et plus encore sur les masses, quelque chose d'aussi personnel que la liberté intérieure, et il a détesté, du plus profond de son âme, les réformateurs profonds du monde, les théoriciens, les marchands d'idéologie. Il ne savait que trop bien l'immense tâche que représente cette simple choses : préserver en soi-même son indépendance intérieure. Son combat se limite à la défensive, à la défense de ce bastion le plus intime, que Goethe appelle "la citadelle" et dont tout homme interdit l'accès aux autres. Sa tactique était d'être aussi peu visible que possible, d'attirer aussi peu que possible l'attention sur son aspect extérieur de traverser le monde en portant une sorte de masque pour trouver le chemin qui le mènerait à lui-même.

Sarah Bakenell :

Montaigne nous apprend à remettre nos jugements en perspective, à faire preuve de tolérance envers autrui. Il questionne et décompose les problèmes plutôt qu'il n'apporte des solutions. Chaque génération peut donc le lire d'un oeil nouveau, y puiser des ressources aussi variées que l'époque et les lecteurs. Comme le nôtre, son siècle était traversé par de violents conflits politiques et religieux, ainsi que par un élargissement des savoirs, doublé par un fort sentiment de désorientation en Europe. En cela, bien sûr, il nous pousse à réfléchir au monde moderne.

Régis Jauffret :

La liberté de Montaigne a définitivement disparu parce qu'on n'a plus guère le courage d'être seul et que l'absolue liberté intérieure, c'est la solitude. On la touche peut-être dans la fiction qui se permet de jouer avec les idées comme avec des chiots. C'est pour ça que la société craint la fiction comme la peste, traîne les romanciers français en justice s'ils ne sont pas soumis comme des ministres.

Extraits du dossier Montaigne , notre contemporain. Lire n° nov.2015

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Commentaires
G
Relire Montaigne et Zweig, c'est prendre du recul,..... mais aussi un grand pas vers la sagesse.
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