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Le blog de Ritournelle

Un été à Miradour - Florence Delay

Ritournelle

Un très beau titre pour évoquer les souvenirs du passé , celui de Florence Delay, dont les racines familiales sont ancrées au pays basque. Miradour (Regarde l'Adour) est le nom de la demeure bourgeoise des années 1920, située sur un promontoire entouré de pins face à l’Adour, dans une petite bourgade des Landes, non loin de Bayonne, où la famille avait l’habitude de passer l’été .
Ce roman autobiographique dans lequel les personnages sont vus à travers le prisme du souvenir, à la fois vrais et réinventés , nous transporte dans les années 70.
«  On arrivait à Miradour par une mauvaise route à peine goudronnée qui montait en tournant. La pente était si raide que la vieille voiture de Madeleine tombait fréquemment en panne au milieu de la côte. Il n’y avait alors d’autre solution que d’aller chercher une paire de bœufs à la ferme la plus proche ».
Voilà le décor planté. Vont se succéder plusieurs petites scènes avec les personnages attendus dans cette grande demeure : 5 hommes, 2 femmes et le personnel de service. Marianne arrive de Paris avec sa mère Madeleine pour les accueillir dans de bonnes conditions. Paul, son père, ancien psychiatre à la Salpétrière, aura pour lui son bureau où il se consacre à l’écriture, car ce séjour dans cette magnifique maison acquise par son père chirurgien bayonnais avant la seconde guerre mondiale ne l’enthousiasme guère , il préfère l’animation de la capitale au calme déroutant de la campagne. De même que la sœur aînée de Marianne se plaît davantage à Bayonne pour être plus proche des plages de Biarritz et de ses flirts.
Avec l'aide de Nénette, une amie des alentours, Madeleine organise l'installation de tous : Paul et elle ont chacun leur chambre, Marianne et son compagnon Octave en occupent une autre au second étage, de même que Claudio, l’étudiant italien faisant office de cuisinier, et Albert le maître d’hôtel d’Octave accompagné de son « filleul ». La pièce maîtresse , c’est la rayonnante Madeleine, dite Madelou, qui aime cette maison, organise les sorties et fait en sorte que tout ce monde soit en harmonie. Son mari Paul , beaucoup plus strict, tolère les origines juives d’Octave, et l’homosexualité d’ Albert , à condition de ne pas franchir certaines limites et de ne pas faire partie de la famille.
Il règne à Miradour, qui a accueilli autrefois Gide, une atmosphère propice à la création : Paul écrit son « Avant-mémoire », Marianne un roman, tout en traduisant Hölderlin, avec l’aide de René Char, avec qui elle entretient une correspondance. Octave prépare un court-métrage sur Raymond Roussel. Ambiance de travail, certes, mais qui n’exclut pas les parties de pelote basque à Hasparren, les bains de mer, les balades à Biarritz, Bayonne, à l’abbaye de Bellocq ...
Des personnages hauts en couleur qui évoluent au gré des anecdotes choisies par l’écrivaine, des anecdotes qu’elle a enfilées pour ne pas les perdre, à l’instar de Borges dont cette phrase est à l’origine du livre : "Qu’est-ce qui mourra avec moi quand je mourrai" ?
Avec sa plume délicate , Florence Delay égrène des souvenirs d’un été lumineux qu’elle ne veut pas effacer de sa mémoire, où la joie de vivre anime les personnages. Pas de trace de nostalgie dans ces lignes teintées de notes comiques, rien que la beauté et le bonheur qui émanent d’un temps révolu mais toujours présent à l’esprit de l’écrivaine. Et lorsqu’on vit dans cette région, ce livre est un régal de lecture, il a une résonance particulière, car ces souvenirs en entraînent d’autres, plus personnels...

"La deux-chevaux prend des petites routes de campagne et traverse une forêt de pins avant de se garer là où s'arrête le chemin, devant une barrière de hautes dunes empanachées de chardons et de pavots cornus qui semblent défendre l'accès à une sorte de paradis : une plage de sable fin couleur de lin, peignée par le vent, qui s'étend à perte de vue".

"Madeleine a les yeux verts et fume des Kool à la menthe. Paul a les yeux bleus et fume des Gitanes bleues. Blonde aux yeux bleus, Marianne fume des blondes légères, Rich & Light. Brun aux yeux bruns, Octave fume des brunes, les mêmes que Paul, mais avec filtre. En étudiant tard le soir dans la cuisine, Claudio fume des cigarillos, la fenêtre grande ouverte. Albert et Philibert ne fument pas".

 

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