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Le blog de Ritournelle

La femme révélée - Gaëlle Nohant

Ritournelle

Le beau titre de ce roman porte en lui des indications sur son personnage principal, une femme en quête d'émancipation, qui se révèle à elle-même, mais aussi au lecteur par le biais de son art favori, la photographie.
Eliza Donneley fuit Chicago en 1950 pour s'installer à Paris, en laissant derrière elle mari et enfant. Son bagage se limite à quelques vêtements , son appareil photo Rolleiflex, plus une photo de son fils Tim.
Pourquoi s'est-elle enfuie? Elle se cache sous une autre identité, devient Violet Lee, et se retrouve dans la capitale complètement désorientée, atterrit dans un hôtel de passe miteux, puis dans un foyer de jeunes filles, tenu par une mère supérieure très stricte. Elle survit grâce à un emploi de nurse dans une famille riche, et parallèlement, elle fréquente les cafés et clubs de jazz qui donnent une note plus colorée à ce Paris triste et gris de l'après-guerre. Dans les différents lieux de sa nouvelle vie, elle fait des rencontres marquantes : Rosa la prostituée amoureuse de son souteneur violent, le photographe Robert Cermak, Brigitte, la jeune étudiante qui ne veut pas se marier, Horatio, le musicien noir aveugle et puis le beau et énigmatique Sam, venu lui aussi des Etats-Unis. Ces différents personnages l'amènent à franchir des étapes dans son chemin vers la liberté. Son appareil photo toujours au bras, Violet croise beaucoup de gens misérables dont elle parvient à saisir l'âme sur ses clichés ; elle s'efforce de souligner leur beauté, de leur rendre le respect qui leur est dû. Très tôt initiée à la différence de classes sociales par son père, un médecin humaniste qui l'emmenait dans le ghetto noir de Chicago, Violet sait que la culture a une dimension sociale et politique, qu'elle doit être à la portée du plus grand nombre, ce que la photographie permet.
L'éducation est aussi affaire de transmission, en cela elle pense à son fils, car si elle ne se pardonne pas d'être partie ("la fuite est la solution des fragiles", dit-elle), c'est dans le but de venir le rechercher. Mais pour accomplir ce rêve, elle doit d'abord comprendre son passé.
Gaëlle Nohant brosse un beau portrait féminin dans une période de prémisses d'émancipation des femmes où la morale est encore un carcan, où le sexisme et le racisme occupent l'actualité au même titre que le conflit au Vietnam, le krach boursier, les Black Panters, Martin Luther King. Les personnages masculins sont aussi très bien campés, avec leur différence et leur subtilité. Dans cette période foisonnante au niveau historique, émergent des personnages forts qui apportent à ce roman bien documenté un souffle romanesque, servi par une écriture fluide et élégante.
Une lecture intéressante et agréable.

"Il y a une forme d’ivresse à ne plus devoir rendre de comptes, décider de ses priorités, subvenir soi-même à ses besoins. Du plus loin que je me souvienne, la solitude m’a toujours manqué, comme on aspire à l’air des montagnes quand on grandit dans la trame serrée des villes."

 

 

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