Mario Martone a adapté le roman paru en 2016 de l'un de ses amis, Ermanno Rea, maintenant décédé. Fidèle à la trame du livre, même s'il situe le dénouement à la fin du film, contrairement au romancier qui en fait le début de l'histoire, le réalisateur nous plonge dans Naples, une ville à nulle autre pareille en Italie : "Être Napolitain, c’est une façon particulière d’être Italien. Notre ville est restée la même depuis la Grèce antique. Naples est une ville dans laquelle il y a une sorte d’abandon, un désenchantement, qui peut subitement se retourner, se renverser, pour devenir un enchantement."
Felice et Oreste ont 15 ans dans les années 50. Ils vivent dans le quartier de la Sanità, bien connu pour être l'un des repaires de la Camorra. Felice vit avec sa mère, gantière, quant à Oreste, sa famille l'initie déjà à l'argent facile. Les deux adolescents ivres de liberté parcourent la ville sur la moto de Felice, commettent leurs premiers délits, jusqu'au jour où un cambriolage nocturne se termine par le décès accidentel de la victime, par la faute d'Oreste.
L'amitié des deux garçons se termine avec cet événement : Felice est envoyé par son oncle au Moyen-Orient où celui-ci possède de nombreux chantiers. Il se construit une vie ailleurs, épouse Arlette qu'il rencontre en Egypte. Le seul lien qui le relie à sa ville d'origine est sa mère avec laquelle il entretient une correspondance. Lorsque ses lettres ne lui parviennent plus, Felice décide de revenir à Naples. Il a besoin de renouer avec le passé, de revoir ceux qu'il a quittés.
Oreste est devenu un boss de la mafia, il s'est vengé en déplaçant la mère de Felice dans un appartement beaucoup plus petit, sans confort. Felice aura la joie de passer de beaux moments avec elle avant son décès, mais sa disparition le laisse seul dans Naples.
Toujours hanté par l'idée de retrouver Oreste, il rencontre le prêtre de la paroisse, don Rega, très investi dans sa lutte contre la mafia et l'insertion des jeunes. Malgré ses conseils, Felice ne renonce pas à la rencontre avec son ami d'enfance, mais peut-on échapper à son destin selon les codes napolitains?
Ce film, empreint d'une certaine mélancolie, (la nostalgia) , trace le destin d'un homme qui a besoin de se confronter à lui-même et à son passé. Il est lié à Naples par des liens mystérieux, envisage son retour comme une reddition. Pierfrancesco Favino incarne merveilleusement ce personnage qui porte une juste mesure de virilité et de sensibilité; la scène où il lave sa mère est magnifique de pudeur et celle où il est confronté à Oreste révèle son besoin utopique de croire que l'amitié ne meurt pas.
L'autre personnage essentiel du film est la ville de Naples , tout en contrastes, avec son passé glorieux et son incapacité à se débarrasser de ce qui la gangrène. Mario Martone se fait le porte-parole d'Ermanno Rea, écrivain engagé, dans ses constats amers d'une société qui doit se réapproprier son passé pour ne pas sombrer dans la déliquescence.
Entre faits réels et fiction, passé et présent, violence et mélancolie, le réalisateur signe un film dense, bouleversant, envoûtant, dont on garde en tête les images fortes.
A conseiller à tous ceux qui aiment Naples, sa vie bouillonnante, son mystère et sa beauté.