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Le blog de Ritournelle

La bâtarde - Violette Leduc

Ritournelle
La bâtarde - Violette Leduc

Le film Violette de Martin Provost m'a incitée à en savoir plus sur la vie de cette écrivaine peu connue et qui a pourtant marqué le monde littéraire des années 60. La bâtarde, livre qui l'a fait connaître au grand public, retrace une grande partie de sa vie, de ses origines jusqu'à la fin de la guerre, alors que le film s'attache à la période suivante qui voit éclore son talent littéraire.
Née en 1907 à Arras, Violette est la fille non reconnue d'un fils de famille de Valenciennes chez qui sa mère travaillait. Jamais, elle ne réussira à combler le manque qui figure sur sa carte d'identité et c'est ce qui est à l'origine de sa vocation d'écrivaine. Elle ne fait pas de brillantes études, mais déjà le collège est pour elle le lieu de toutes les initiations: elle découvre les grands auteurs, Gide, Proust, Rimbaud et parallèlement, elle se laisse aller à l'apprentissage de la sexualité avec Isabelle, l'une de ses voisines de dortoir. Ce penchant se confirme plus tard par une liaison assez longue avec l'une des surveillantes, Hermine.
Violette n'obtient pas son baccalauréat, abandonne les études pour entrer dans le monde du travail, celui de l'édition, grâce auquel elle côtoie de nombreux écrivains. C'est en 1938 qu'elle rencontre l'écrivain homosexuel Maurice Sachs dont elle devient follement amoureuse. Ce dernier lui conseille d'épancher ses souffrances sur le papier. Elle épouse alors un ami de longue date dont elle se sépare très vite après avoir avorté dangereusement . La guerre la rapproche de Sachs; en Normandie le marché noir leur permet de subsister, puis il disparaît en Allemagne, devient collabo et finira tué par un SS. Violette se retrouve seule, mais prête pour de nouveaux départs:

"Je réfléchis:ma richesse et ma beauté dans les sentiers de Normandie, c'était mon effort.J'allais jusqu'au bout de mes résolutions, enfin j'existais. Je réussissais, le courage m'égarait. Je peinais, je m'oubliais. Qu'est-ce que j'aime de tout mon coeur? La campagne. Les bois, les forêts que je commence à apprécier, que je quitterai. Ma place est chez elle et chez eux. Je me tromperais si je m'installais ailleurs. Voilà pourquoi je serai toujours une exilée. Vieillir, c'est perdre ce qu'on a eu. Je n'ai rien eu. J'ai raté l'essentiel : mes amours, mes études. Aimer la lumière. J'avais seize ans, je préférais la lueur dune bougie au-dessus d'un livre. J'ai trente-sept ans, je préfère le soleil sur une falaise craie."

Les mots sont ,pour cette femme qui se considérait laide et inintelligente, le moyen sans cesse renouvelé de renaître. Sa bisexualité,qu'elle aborde de façon assez crue, est quelque part aussi une preuve de cette quête identitaire qui la poursuit tout au long de sa vie. Sa grande liberté se remarque dans son style par le mélange des genres, elle passe avec facilité du baroque à l'argot; dépourvue de tabous , elle affirme sans détours sa marginalité sociale et sexuelle :
"Avec « La Bâtarde », j’essaie de déblayer, de libérer, il y a encore trop de préjugés à notre époque. Il faudrait que les femmes puissent parler aussi franchement que les hommes. Dans la vie, je suis très pudique. Mais dans mes livres je raconte tout. ».
Malgré quelques passages un peu longs, on se laisse porter par le destin hors norme d'une femme à la fois fragile et forte, authentique et attachante.

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