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Le blog de Ritournelle

Doit-on développer ses talents?

Ritournelle

Ne pas faire croître ses talents est immoral

Emmanuel Kant (18è-19è) -

Gare à vous si vous voulez abandonner le solfège ou lâcher les cours de dessin! Il n'est pas uniquement dommage, il est totalement immoral de ne pas développer ces talents qui vous valent tant d'éloges depuis l'enfance. " C'est un commandement de la raison moralement pratique et un devoir de l'homme envers lui-même que de cultiver ses facultés (et parmi celles-ci, l'une plutôt que l'autre)."
Emmanuel Kant, dans La doctrine  de la vertu se veut fidèle aux Evangiles et à la "parabole des talents "- nom de cette monnaie antique confiée par un maître, parti en voyage, à ses serviteurs-, dans laquelle celui qui ne fait pas fructifier ce qu'il a reçu est montré du doigt. Selon Kant, on doit faire croître les "forces de l'esprit", par exemple ses éventuelles facilités en mathématiques ou en philosophie, les "forces de l'âme", comme la mémoire, ou encore, "les forces corporelles" ( si on est bon en sport). Pourquoi le devoir de se perfectionner est-il aussi vital pour Kant? Parce qu'il s'agit d'un devoir envers soi-même. Or ce type d'obligations est la source de devoirs que nous avons envers autrui :
"Supposez qu'il n'y eût pas de devoirs de cette espèce, il n'y en aurait d'aucune espèce, pas même d'extérieurs, plaide le philosophe dans la Doctrine de la vertu . Pour lui, la source de toute morale est la libre soumission à une règle que je me suis prescrite de manière totalement autonome, au nom de cette liberté qui m'élève au-dessus de ma part purement sensible et animale. On ne pourra jamais bien se conduire avec autrui - ne pas lui mentir, ne pas tromper, etc - si l'on ne s'est pas engagé, vis à vis de soi-même, de façon complètement intime et indépendante. Par ailleurs, toute maxime morale, devant, d'après Kant, pouvoir devenir une loi universelle, (c'est la condition de sa moralité), je ne peux raisonnablement accepter que tout le monde laisse ses talents en friche et préfère passer son temps à ne rien faire : l'humanité s'éteindrait à force de paresse. Les considérations de Kant sur les devoirs vis à vis de soi-même sont d'abord d'ordre éthique -conserver sa santé, ne pas se suicider, ne pas se masturber (!), ne pas mentir, ne pas être avare ni servile -  mais touchent également à nos aptitudes particulières. En général, Kant prend très au sérieux l'injonction évangélique : "Soyez parfaits" (Matthieu, 5, 48). Mais même si personne n'aimerait avoir le pasteur Könisberg comme pasteur ou comme père, inutile de paniquer. Devenir parfait, signifie d'abord, pour lui, "progresser d'une perfection à l'autre", et non directement sauter directement à la case "Monsieur Parfait". Le devoir consiste à" tendre, mais non pas accéder". Bref, on ne se perfectionne qu'en " un progrès continu."

Extrait du dossier Le culte de la perfection - Jusqu'où faut-il s'améliorer?- Philosophie magazine n° mai 2018

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