Venise à double tour - Jean-Paul Kauffmann

Tout comme L’amie prodigieuse d’Elena Ferrante, ce livre s’adresse aux amoureux de l’Italie et plus particulièrement de Venise car cette atmosphère unique, que Jean-Paul Kauffmann évoque, on ne peut l’apprécier pleinement que si on la connaît.
S’il a , comme Chateaubriand , cherché des choses que " les autres voyageurs, tous semblables, ne cherchent point", sa quête est pour le moins originale. Passionné depuis longtemps par la Cité des Doges, l’écrivain a ressenti dans sa jeunesse une forte émotion en visitant cette ville pour la première fois, il lui est resté en mémoire le souvenir imprécis d’une peinture magnifique, impossible à localiser. « Ce besoin de retrouver dans notre mémoire le souvenir perdu rumine en nous. Il finit par nous intriguer. Nous voudrions démasquer cette image qui se cache, cet objet qui se dérobe, pour enfin lui donner un nom, une origine. »
Le mystère, au fil du temps, est devenu urgence. C’est ainsi que naît son enquête à travers Venise la secrète, avec le désir de savoir ce qu’elle cache derrière les portes de ses églises fermées, 49 au total sur la centaine dont elle dispose.
Installé sur l’île de la Giudecca, de façon à pouvoir contempler le centre historique, Jean-Paul Kauffmann, repère , au gré de ses flâneries, églises, couvents, chapelles, fermés. Le défi consiste à les faire ouvrir, ce qui s’avère être un vrai parcours du combattant, car nombreux sont ceux qui ont la responsabilité de ces monuments. Il faut d’abord les trouver et ensuite, ces autorités religieuses ou laïques ne sont pas forcément disposées à consacrer du temps à un journaliste français passionné de vieilles pierres…
Grâce à l’aide d’une guide française recommandée par des amis, il devient plus facile de savoir qui contacter. Mené comme une enquête policière, cet acharnement à vouloir pénétrer les secrets vénitiens passe par la bonne volonté du Grand Vicaire, du Cerf blanc et des administrations pas faciles à convaincre. Mais Jean-Paul Kauffmann ne baisse pas les bras. Il est patient, se moque des complications pour mener à bien sa démarche, sa détermination est sans faille . Au cours de ses pérégrinations, les souvenirs affleurent dans ses pensées, ceux de l’église de son enfance, en Ille et Vilaine, où il a été initié au spectacle des cérémonies, ainsi qu'à la forte personnalité des prêtres ; il évoque aussi les personnages célèbres qui ont comme lui arpenté rues et places, Sartre, Lacan, Morand, ou son ami Hugo Pratt , pour nous livrer des réflexions sur l'histoire de Venise et son avenir préoccupant...
La récompense finit par arriver et avec elle la sensation d’avoir obtenu un cadeau inestimable , le privilège d’être le seul à admirer la beauté d’une architecture ou d’un tableau désormais inaccessibles...Peu importe s'il se trouve face à son souvenir , mais il sait communiquer au lecteur son enthousiasme, lui faire partager la découverte de lieux magiques, comme le Jardin d’Eden, magnifique villa sur l’île de la Giudecca, dont le jardin à l’anglaise est le plus grand jardin privé de Venise.
Ecrit initiatique, hommage à Venise, ce livre nous promène au hasard des ruelles et des canaux pour capter ce que la ville offre de singulier, la beauté de ces «  lieux d’ombre et de silence » : « La Venise fabuleuse est là .»
« Je dois presque tout à l’Italie. Une idée du bonheur, mais je n’y ai jamais cru. J’aime la phrase de Bossuet : « Le bonheur est fait de tant de pièces qu’il en manque toujours une ». Comme on dit ici, « Le doge a ses chagrins, les gondoliers ont les leurs ».
Comment résister à l'envie d'aller sur les pas de Jean-Paul Kauffmann, goûter à nouveau le charme indicible de cette ville qui enchante le visiteur? Il nous indique le chemin, celui de la curiosité sans cesse renouvelée pour trouver la beauté ou simplement pour se trouver soi-même.
"Et si Venise n'était qu'un écho? Une réverbération du souvenir, si fréquente dans cette ville."

Comments

[Ritournelle]

Les amoureux de Venise trouveront certainement leur compte dans cette lecture qui incite à percer ses mystères, à se perdre dans le labyrinthe des ruelles loin des touristes.
Bon dimanche !

[cathy]

J'envoie ton billet à une amie qui revient
chaque année avec son mari à Venise....
Elle lit aussi pas mal....mais c'est vrai que j'ai lu
beaucoup de bonnes choses concernant ce livre.....
Bon Dimanche ici c'est l'été indien..!!!