Walden ou la solitude choisie d'Henry Thoreau
23
avr.
2020

Henry Thoreau, philosophe, naturaliste, et poète américain.
A vécu une expérience de solitude au bord du lac Walden de 1844 à 1849 . (voir article sur ce blog : Walden ou la vie dans les bois).

Dans cet extrait des dernières pages de “Walden ou La vie dans les bois”, Henry David Thoreau explique pourquoi il a quitté sa cabane et son lac pour revenir vers la ville. Car l’isolement volontaire ne fut pour lui qu’une parenthèse, et l’occasion d’une métamorphose.
« Je quittai les bois pour un aussi bon motif que j’y étais allé. Peut-être me sembla-t-il que j’avais plusieurs vies à vivre, et ne pouvais plus donner de temps à celle-là. C’est étonnant la facilité avec laquelle nous adoptons insensiblement une route et nous faisons à nous-mêmes un sentier battu. Je n’avais pas habité là qu’une semaine, que mes pieds tracèrent un chemin de ma porte au bord de l’étang […].
Grâce à mon expérience, j’appris du moins que si l’on avance hardiment dans la direction de ses rêves, et s’efforce de vivre la vie qu’on s’est imaginée, on sera payé de succès inattendu en temps ordinaire. On laissera certaines choses en arrière, franchira une borne invisible ; des lois nouvelles, universelles, plus libérales, commenceront à s’établir autour et au dedans de nous ; ou les lois anciennes à s’élargir et s’interpréter en notre faveur dans un sens plus libéral, et on vivra en la licence d’un ordre d’êtres plus élevé. En proportion de la manière dont on simplifiera sa vie, les lois de l’univers paraîtront moins complexes, et la solitude ne sera pas solitude, ni la pauvreté, pauvreté, ni la faiblesse, faiblesse. »Henry David Thoreau, Walden ou La vie dans les bois (1854, trad. fr. Louis Fabulet)
Le commentaire d’Alexandre Lacroix :
« J’aime beaucoup ce passage, qui est peu commenté. De Thoreau, on retient souvent le départ fracassant. Il a quitté Concord, il est parti vivre en forêt ! Oui, mais pourquoi est-il revenu en ville ? Sa réponse est d’une franchise désarmante : il a quitté son ermitage quand il s’est aperçu qu’il se répétait, que ses pas mais aussi son esprit empruntaient toujours les mêmes chemins. Il est parti au bout de deux ans – quand il a compris qu’il n’avait plus rien à apprendre.
De façon générale, je ne crois pas qu’il soit vraiment possible de se métamorphoser ou de se réformer soi-même, par décision ni par application de fortes doses de philosophie. Mais quelques rares auteurs donnent des signes d’une mue spirituelle, semblant avoir franchi un certain seuil. Ce fut certainement le cas de Spinoza, qui évoque au début du Traité de la réforme de l’entendement sa résolution de trouver “l’éternel et suprême bonheur”, mais aussi de Ralph Waldo Emerson, qui cherchait la “joie d’une relation originale avec l’univers”. Mais ce fut également le grand accomplissement de Thoreau. Comment le sait-on ? À cause de son livre. Il n’est pas situé au niveau habituel de l’intellectualité. À chaque page, on sent qu’il vient d’ailleurs, d’une contrée que Thoreau a découverte et où il nous invite à le rejoindre. »
« J’aime beaucoup ce passage, qui est peu commenté. De Thoreau, on retient souvent le départ fracassant. Il a quitté Concord, il est parti vivre en forêt ! Oui, mais pourquoi est-il revenu en ville ? Sa réponse est d’une franchise désarmante : il a quitté son ermitage quand il s’est aperçu qu’il se répétait, que ses pas mais aussi son esprit empruntaient toujours les mêmes chemins. Il est parti au bout de deux ans – quand il a compris qu’il n’avait plus rien à apprendre.
De façon générale, je ne crois pas qu’il soit vraiment possible de se métamorphoser ou de se réformer soi-même, par décision ni par application de fortes doses de philosophie. Mais quelques rares auteurs donnent des signes d’une mue spirituelle, semblant avoir franchi un certain seuil. Ce fut certainement le cas de Spinoza, qui évoque au début du Traité de la réforme de l’entendement sa résolution de trouver “l’éternel et suprême bonheur”, mais aussi de Ralph Waldo Emerson, qui cherchait la “joie d’une relation originale avec l’univers”. Mais ce fut également le grand accomplissement de Thoreau. Comment le sait-on ? À cause de son livre. Il n’est pas situé au niveau habituel de l’intellectualité. À chaque page, on sent qu’il vient d’ailleurs, d’une contrée que Thoreau a découverte et où il nous invite à le rejoindre. »
Philosophie magazine n° avril 2020
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