Le train des enfants - Viola Ardone

Ritournelle

18 juil. 2021

Ce roman fait référence à un fait historique peu connu, concernant l'Italie au sortir de la seconde guerre mondiale. En 1946, après l'échec du fascisme, le pays connaît la misère, surtout les régions du sud. Le parti communiste cherche alors un moyen d'offrir aux enfants les plus défavorisés une parenthèse de bien-être. Pour cela, il demande à certaines familles du nord d'accueillir ces enfants pendant quelques mois.
Viola Ardone a recueilli il y a quelque temps le témoignage d'un vieux monsieur qui a vécu cette expérience et elle a tout de suite saisi l'opportunité d'en faire un roman.
Le personnage principal est Amerigo; il a 8 ans, vit avec sa mère Antonietta qui lui fait croire que son père est parti en Amérique, ce qui explique son prénom. Il n'a pas connu son frère aîné Luigi, mort d'asthme bronchique. Pour survivre, il récupère avec ses copains du quartier des vieux chiffons que sa mère lave et revend. De plus, il s'amuse à attraper des rats qu'ils badigeonne de cirage noir ou blanc pour les faire passer pour des hamsters auprès des dames riches de Naples qui raffolent de ces animaux. Mais un jour, la pluie révélant l'escroquerie, il est obligé d'abandonner ce commerce.
Le quotidien des enfants entassés avec leur famille dans ces appartements d'une seule pièce donnant sur la rue, les bassi, laisse prévoir une vie misérable, sans perspective d'amélioration.
Aussi lorsque Maddalena Criscuolo, figure du parti communiste italien, propose à Antonietta d'envoyer Amerigo à Bologne, celle-ci hésite, car elle aime son enfant, bien qu'elle ne le lui démontre pas. Ce saut vers l'inconnu est alimenté par de mauvaises rumeurs qui accuseraient les communistes d'enlever ces enfants à leurs familles pour les envoyer en Russie.
Mais réflexion faite, Antonietta finit par céder. Amerigo prend le train avec ses copains Tommasino et Mariuccia.
A Bologne , il est accueilli par Derna, femme seule, sans enfants. Pendant ses heures de travail, c'est sa cousine Rosa qui s'en occupe, avec son mari Alcide et leurs 3 enfants.
Une autre vie commence pour Amerigo; surnommé Nobel à Naples pour son savoir et son intelligence, il se montre excellent élève, mange à sa faim, ne porte plus de chaussures trouées, découvre les animaux de la ferme, et surtout, il est initié à la musique par Alcide qui est accordeur de pianos. Il lui fabrique un petit violon que l'enfant rapporte précieusement à Naples.
Mais lorsqu'il fait le récit de ce séjour idyllique, Antonietta fait la sourde oreille...
Avec la volonté de rendre le récit plus vivant et plus drôle, Viola Ardone laisse à Amerigo le soin de raconter son histoire dans un ordre chronologique : Naples, Bologne, le retour à Naples, puis presque 50 ans plus tard, l'adulte qui revient sur son passé.
Cette légèreté de ton que l'on peut comparer à celle de Joe dans Des diables et des saints, n'exclut pas les moments forts de cette histoire intime, celle d'un amour incompris entre une mère et son fils séparés par la misère.
Un roman attachant, qui mêle Histoire, intimité, tendresse et émotion.
Un bon titre pour l'été!

« Je regarde les chaussures des gens. Si elles sont en bon état, je gagne un point ; si elle sont trouées, je perds un point. Pas de chaussures : zéro point. Chaussures neuves : étoile bonus. Moi, des chaussures neuves je n'en ai jamais eu, je porte celles des autres et elles me font toujours mal. Maman dit que je marche de traviole. C'est pas ma faute. C'est à cause des chaussures des autres. Elles ont la forme des pieds qui les ont utilisées avant moi.»

« Ton souvenir demeurera intact : toutes les années que nous avons passées loin l’un de l’autre ont été une longue lettre d’amour, chaque note que j’ai jouée, je l’ai jouée pour toi. Je n’ai rien d’autre à te dire. Je n’ai plus besoin de réponses. »