Les insolents - Ann Scott

Ann Scott appartient à la génération X d'écrivains nés entre les années 60 et 80, que l'on nomme postmodernistes, et dont la caractéristique est de créer un récit non linéaire, ainsi que d'aborder les thèmes de leur temps.
L'écrivaine est partie vivre en Bretagne en 2019. Son héroïne, Alex, suit le même chemin. Compositrice de musiques de films, elle quitte Paris, ses grands immeubles, le tumulte, le bruit, pour aller chercher une forme d'apaisement, et certainement faire le bilan de sa vie à 45 ans. Elle a loué par internet une maison avec jardin, à l'écart d'un village où les commerces sont peu nombreux. S'improviser une nouvelle vie à la campagne n'est pas si simple lorsqu'on ne conduit pas et que l'on n'a pas conscience de toutes les difficultés que cela implique. Il faut faire des kilomètres à pied pour s'approvisionner, il faut se procurer du bois pour la cheminée, apprendre à l'allumer. Se créer un cocon pour trouver enfin le silence, pouvoir enfin aller admirer  l'océan au gré des envies, écouter de la musique classique ou du jazz, et lire, dans la solitude la plus complète, c'est tout ce qu'elle désire.
Le récit de son quotidien est entrecoupé par des flashbacks sur sa vie antérieure, et notamment sur ceux avec qui elle formait un trio inséparable : Margot, jeune femme imprévisible et angoissée, Jacques , un homosexuel ayant des velléités d'écriture en province. Tous deux se manifestent de temps en temps auprès d'Alex par téléphone, vivent difficilement les  restrictions dues au Covid.
Et puis il y a aussi  le jeune Léo, spécialiste des technologies de pointe  dans la Silicon Valley , qui retourne en Bretagne chez sa mère suite à une agression et tombe amoureux d'Alex  en la voyant marcher sur la plage...
Tous ces personnages se font l'écho des auteurs quinquagénaires d'aujourd'hui qui portent en eux des rêves déçus, font le constat d'un monde qui détruit la nature et s'attache à de fausses valeurs, trouve dans les réseaux sociaux un exutoire à sa colère . C'est aussi une génération qui inclue des références musicales et cinématographiques dans les romans , a grandi avec les écrans.
On retrouve dans ce roman la même analyse de l'époque actuelle que chez Virginie Despentes, la même lucidité sur le monde, et quelque part le même désenchantement.
Ann Scott a un vocabulaire, un style, elle aborde des questions existentielles qui interpellent tout un chacun.
Son roman brasse l'intime et le social, il a obtenu le prix Renaudot 2023.

"C'est quoi être adulte. Prendre ses responsabilités, accepter les défauts des autres, assumer les siens, renoncer à certaines choses, reconnaître qu'on ne peut jamais avoir de certitudes? Qu'est-ce qu'on est, de quoi a-t-on besoin et pourquoi. Si on répond vraiment à ces questions, on se fait peur."

" Ceux qui sont seuls sont faits pour l'être, visiblement. Ils n'ont pas droit au même confort mental que les autres, à la même facilité, à la même simplicité."

" Il ne suffit pas d'aimer pour arriver à construire à deux. Le désir, l'affection, ce n'est pas assez. On fait des projections sur la personne, on imagine ce qu'on voudrait vivre avec, et une fois qu'on se retrouve confronté à la réalité, ça ne vaut rien. Il faudrait ne jamais fusionner, que chacun garde son univers et qu'être avec l'autre en crée un troisième."

Comments

[Dussaut Cathy]

Je note Françoise...ce livre m'intéresse ..
Bonne semaine😉😘

[Ritournelle]

Si tu aimes la prose de Virginie Despentes, tu apprécieras celle d'Ann Scott, elle a des points communs avec elle que je te laisse découvrir.
Bises