Hiver à Sokcho
Le cinéaste franco-japonais Koya Kamura a choisi d'adapter le roman du même nom d'Elisa Shua Dusapin publié en 2016. Dans ce livre, il est question d'identité, de double culture, de transmission.
L'histoire se déroule à Sokcho, une petite ville du nord-est de la Corée du sud où vit la jeune Soo-ha, dont la mère coréenne a été abandonnée par son compagnon français lorsqu'elle est tombée enceinte. Soo-ha ignore tout de ce père, cependant elle a fait des études de littérature française et coréenne à l'université, pour être au plus près de ses racines. Sa double culture lui permet d'accueillir les touristes étrangers qui descendent à la petite pension où elle travaille, entre les visites à sa mère, marchande de poissons et les parenthèses passées avec son petit ami Jun-oh.
Lorsqu'un auteur de BD français, Yan Kerrand, débarque dans cette pension, elle est intriguée par sa personnalité mutique, fait tout pour qu'il se sente bien dans ce pays qu'il découvre. Elle tente de mieux cerner sa personnalité, son talent, en l'observant en cachette en train de travailler. De son côté, Yan Kerrand se montre curieux d'apprendre un maximum de choses sur la culture coréenne, l'environnement de Sokcho, tout ce qui peut nourrir son inspiration. Il fait donc appel à Soo-ha pour le guider dans ses recherches.
Peu à peu une complicité naît entre Yan et Soo-ha; cette relation devient ambiguë pour la jeune femme qui transpose en Yan le désir de ce père qu'elle ne connaît pas. Yan réalise rapidement la nature des sentiments qu'il provoque en elle...
Avec une grande habileté, le réalisateur explore les états d'âme des deux protagonistes . La douceur de leurs échanges contraste avec la rigueur du climat, avec la violence de ce que Soo-ha garde au plus profond d'elle-même. Les séquences animées, qui rappellent le travail de Yan, mettent en évidence les sentiments naissants qu'elle cache. Le rapport au corps, c'est aussi celui de la part importante que prend la nourriture, celle que Soo-ha prépare minutieusement dans la pension, ou celle qu'elle partage avec sa mère, spécialiste de la préparation du fugu.
Un premier film réussi pour ce réalisateur qui fait progresser le scénario par touches délicates et fait de l'expérience initiatique de son héroïne un voyage subtil entre deux cultures, à la sensualité discrète, et porté par les excellents acteurs que sont Roschdy Zem et Bella Kim.