Mon gâteau préféré
Ce n'est pas fréquent que des metteurs en scène choisissent de porter à l'écran une histoire avec des septuagénaires comme protagonistes. C'est le défi que se sont lancés les iraniens Maryam Moghadam et Behtash Sanaeeha dans une société où la vie amoureuse des personnages âgées reste un tabou aussi important que la liberté des femmes.
Mahin, 70 ans a perdu son mari et sa fille. Elle vit seule dans son appartement de Téhéran, au rez-de-chaussée d'un immeuble donnant sur un jardin planté d'arbres. Elle invite ses amies une fois par an pour un repas sympathique où chacune parle librement de sa vie, de ses attentes, de ses frustrations, de ses angoisses. Toutes reprochent à Mahin de se murer dans sa solitude, l'incitent à provoquer le destin. Et contre toute attente, celle-ci va braver les interdits pour se mettre en quête d'un compagnon. Pour tromper son ennui, elle se promène dans un parc où elle voit une jeune fille dont le voile et les vêtements ne sont pas conformes à la loi, s'interpose entre elle et les policiers pour que ceux-ci ne l'embarquent pas. Puis elle se rend dans un restaurant pour retraités où elle est la seule femme, repère Faramarz, qui est seul à sa table. Il termine son repas assez vite, mais Mahin se débrouille pour avoir suffisamment de renseignements pour le retrouver. C'est le début d'une soirée merveilleuse où tous deux apprennent à se connaître, à célébrer leur rencontre avec des mets appétissants arrosés de bon vin, égayée de musique et de chansons. Mahin décide alors de faire à Faramarz son gâteau préféré. Mais la soirée ne se termine pas comme prévu...
Ce film tourné en secret, commencé quelques semaines avant la mort de Masha Amini , est un exemple de courage de la part des réalisateurs et des acteurs qui dénoncent un régime ayant entraîné l'exil de Mohammed Rasoulof pour "Les graines du figuier sauvage", film d'une grande force et d'une résonance internationale.
"Mon gâteau préféré" est tout aussi engagé, coûte aux deux cinéastes l' interdiction de quitter l'Iran. Cette tragi-comédie à laquelle j'aurais préféré un final moins sombre, souligne l'isolement des personnes âgées, mais aussi leur capacité à vivre des instants de bonheur et de partage. Certaines scènes portées par la lumineuse Lily Farhadpour sont remarquables de sensibilité, de poésie, et de grâce.
Audacieux et émouvant!