Une femme en contre-jour - Gaëlle Josse
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Ce petit livre de Gaëlle Josse vient compléter les informations que j'ai pu recueillir sur cette photographe fascinante que fut Vivian Maier.
Une exposition en 2022 au Musée du Luxembourg a retracé son parcours d'artiste à partir des clichés rassemblés par l'américain John Maloof, soucieux de faire connaître au monde entier des trésors cachés mystérieusement , qu'il a été le premier à être surpris de trouver par hasard. A ce propos, j'ai écrit un billet en 2022 :
https://ritournelle.over-blog.com/2021/11/l-oeil-de-vivian-maier.html
Si j'ai vu l'essentiel de l'œuvre et visionné le DVD s'y rapportant, il me restait à découvrir des aspects méconnus de la personnalité de Vivian Maier susceptibles de mieux cerner le mystère entourant cette femme solitaire et talentueuse, fantasque et pleine de paradoxes. Comme toujours, l'enfance et l'adolescence apportent des réponses. D'origine française par sa mère et autrichienne par son père, elle a émigré aux Etats-Unis à l'âge de six ans, mais gardera toute sa vie des souvenirs lumineux du Champsaur, cette vallée des Hautes-Alpes où elle a connu le bonheur de vivre en pleine nature, et où elle fera par la suite d'autres séjours.
Mais la constante de sa vie, c'est la précarité : en France ou à New-York, la situation est la même, il faut lutter pour assurer le quotidien. Entre un père violent, un frère qui sombre dans la délinquance et une mère incapable de gérer le foyer, dès l'âge de 17 ans, Vivian doit s'assumer en faisant des petits boulots, et lorsque les deux grand-mères décèdent, les seuls piliers sur lesquels compter , elle n'a plus que son appareil kodak comme compagnon sûr pour véhiculer sa souffrance tout en offrant son regard sur le monde. Scènes de rue prises sur le vif, portraits de marginaux, vagues autoportraits, où elle laisse planer le mystère, disent sa volonté de ne pas exister, de trouver dans ses modèles le reflet d'elle-même ou de ses proches marqués par la misère, les addictions ou la folie. Ses photos en disent long sur son manque d'amour, de reconnaissance, dans une famille qui ne l'a pas désirée. L'appareil photo comme révélateur et dissimulateur d'une existence sans joie, marquée par la souffrance et la solitude et peut-être la paranoïa, selon les témoignages recueillis après sa mort en 2009 par ceux dont elle fut la nurse. "La création comme réparation".
Avec beaucoup d'élégance dans son style, de précision dans ses recherches, Gaëlle Josse trace le portrait sensible d'une femme complexe, émouvante, et insaisissable, qui a fait de l'art sa seule respiration, avec la volonté de ne pas romancer cette part d'ombre qui laisse la place au questionnement. Et elle nous donne envie de voir ou revoir ses photos , témoignages précieux de l'Amérique des années 50 et 60.
"La vie et l'œuvre de Vivian Maier installent un pourquoi sans fin, que nous ne pouvons que psalmodier à l'infini, en tentant d'esquisser quelques réponses.
Le mystère demeurera car il touche au secret de l'être, à la façon, unique pour chacun, de conduire ses jours, à ses contradictions, à ses blessures. Et le mystère forge une légende, car il faut bien donner un sens à ce qui nous échappe."
"Insoluble secret d'une existence, terrifiante solitude d'une femme dont le geste photographique, le geste seul donna un sens à sa vie, la sauva eut-être du désespoir".
inconcevable pour nous aujourd'hui, en ces temps où nos fragiles et exigeants ego quêtent sans fin l'approbation, l'admiration, le regard. passions, désirs, profits, plaisirs, notre insatiable cavalcade avant le néant."
A voir en complément le documentaire "Finding Vivian Maier, réalisé par John Maloof ainsi que le site qu'il a créé : https://www.vivianmaier.com/