A quoi songent-ils ceux que le sommeil fuit?- Gaëlle Josse

Qui n’a pas tenté, en se promenant dans les rues la nuit, d’imaginer ce que les maisons et appartements éclairés contiennent de secrets de ceux qui y vivent ? Que se passe-t-il derrière ces fenêtres, frontières entre l’intime et l’extérieur, que la nuit transforme en miroir ?
C’est le thème de ce livre de Gaëlle Josse qui rassemble une série de micro-fictions, comme elle les nomme , de longueur variable, mais très courtes pour la plupart. Ces nouvelles s’enchaînent habilement avec pour transition un vers libre , comme une respiration pour passer d’un thème à l’autre, d’une émotion à l’autre : "La nuit, pont suspendu entre deux rives de mémoire", "La nuit jasmin souvenir d'une autre nuit", "La nuit la mer vous aimez la mer?".
Des êtres de tous les âges, de toutes les conditions sociales, enfants qui entendent leurs parents se disputer, amants qui se quittent, prêtres qui recueillent des confessions, laissés- pour- compte qui vivent dans la rue, rêveurs installés devant leurs fenêtres, tous éprouvent des émotions, des peurs, des regrets, ou peuvent s'émerveiller devant la beauté de la nature :

"Dans sa gorge quelque chose se serre, quelque chose qui monte aux yeux.
La beauté, la beauté du monde.
C'est un morceau de cette beauté, là, devant elle, à portée de main.
Qui bientôt ne sera plus.
Elle songe à cette phrase lue il y a longtemps, elle ne sait plus où, quand fond la neige, où va le blanc?
Nuit silencieuse, nuit révélatrice de nous-mêmes, comme une promesse d'ouverture vers nos remords, nos attentes, vers notre imaginaire. La nuit envisagée comme moment de fragilité , de face-à-face avec soi , d'espace de confidences.
Tous ces portraits d'hommes et de femmes que Gaëlle Josse brosse avec sa plume élégante nous ressemblent, entraînent la réflexion, le rêve, nous emportent vers cet ailleurs que la solitude et l'obscurité favorisent. L'écrivaine démontre sa parfaite maîtrise de l'écriture par la diversité de ces petits scénarios décrits en quelques lignes avec précision et qui nous livrent discrètement une part de notre intimité.
"La robe qui se soulève au vent d'été. Le secret dune vie, le renoncement, la déchirure. Ce que les autres découvrent un jour. Que sait-on de nos proches, de nos parents, de leurs eaux obscures, de leurs rêves, de leurs désirs?"
A déguster lentement, et pas seulement pendant les nuits d'insomnie....