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Le blog de Ritournelle

Cent ans - Herbjørg Wassmo

Ritournelle

Herbjørg Wassmo se penche avec ce roman sur l'histoire des femmes de sa famille, dans la Norvège septentrionale, de 1842, date à laquelle naît son arrière-grand-mère, jusqu'à sa propre naissance en 1942.
La littérature nordique brosse souvent des portraits de femmes fortes, qui assument la vie du foyer pendant que les hommes partent en mer.
La vie y est rude, autant que le climat, les ressources dépendent essentiellement de la pêche.
Dans cette saga de 590 pages, on apprend beaucoup de la personnalité des ces femmes toutes différentes, ainsi que de l'époque dans laquelle elles vivent. L'aïeule, Sara Suzanne, se marie avec Johannes Krog , un homme bègue qu'elle apprend à aimer au fil des années pour son humanité et sa volonté de travailler dur pour assumer leur nombreuse famille de 12 enfants. Sara Suzanne n'a pas le loisir de penser à d'autres ambitions que celle d'être une bonne mère. Elle renonce à savoir qui elle est. « encore un ! Elle se dit que c’est ainsi que les vingt-trois dernières années avaient passé ; un enfant sur la hanche, et un dans le ventre… »
La dernière de ces enfants, Elida, ne suit pas le chemin de sa mère. Elle a un caractère affirmé, choisit de se marier avec le beau Fredrik contre l'avis de Sara Suzanne. Cet homme qui est le contraire de Johannes, cultive la terre par obligation, il n'est pas fait pour ce travail qui parvient à peine à nourrir sa famille. Mais Elida a une passion pour cet homme de santé fragile et lorsqu'il doit partir à l'hôpital de Kristiana pour soigner son cœur, elle décide de l'accompagner, au détriment des enfants qui se retrouvent placés dans des familles différentes. Cet arrachement familial, la petite Hjørdis le vit très mal. Entre 4 et 6 ans, elle est séparée de ses parents biologiques, et ensuite de ses parents nourriciers auxquels elle s'était attachée. Une blessure qui ne cicatrisera jamais. Comme sa mère, elle épouse l'homme qu'elle aime, Hans, après avoir correspondu longtemps avec lui pendant la guerre, mais la déception remplacera les illusions fondées sur ces promesses de bonheur. C'est un homme froid et malsain.
Herbjørg sera leur unique enfant. De nature sensible, elle subit la violence sans jamais la nommer de celui qu'elle appelle Lui et qu'elle doit fuir en permanence. Dans l'étable ou près d'un rocher, elle consigne sa souffrance avec son crayon jaune dans des carnets qui sont l'unique moyen à sa portée de se libérer de ce poids jamais confié. Ainsi naît l'écrivaine .
Tous ces destins de femmes sont marqués par les étapes de leur vie biologique, avec le passage obligé du mariage, consenti ou pas, de la grossesse, de la maternité parfois douloureuse. On se tait par pudeur, les sentiments restent souvent secrets et le manque de compréhension entraîne des disputes entre mères et filles.
D'un siècle à l'autre, on traverse l'Histoire du pays marquée par la guerre, on mesure le courage et la pugnacité des habitants pour subvenir aux besoins vitaux.
Entre les périodes de grande difficulté, on assiste aussi à des moments précieux comme les séances de pose de Sara Suzanne pour le pasteur qui peint un retable pour la cathédrale des îles Lofoten, ou encore les lectures à la veillée pour toute la famille.
« ces soirées avaient tout transformé… durant toute la journée de travail, on attendait l’heure de la lecture… ».
Un récit non linéaire , ce qui nuit parfois à la compréhension, mais porté par un souffle puissant, un style réaliste, foisonnant, avec des personnages forts, profondément humains et touchants. Épique et intime.

 

"Ma grand-mère Elida est la première à me faire comprendre qu'il est normal pour un être humain, quels que soient son sexe et sa situation, d'avoir envie d'aller ailleurs. De partir. Que moi aussi, j'ai cette possibilité. Probablement a-t-elle aussi laissé entendre que le soi-disant amour maternel n'est pas nécessairement un sentiment inné, qu'il est plutôt inhumain de l'exiger. je crois que c'est elle qui me fait admettre que la soif d'amour et de liberté peut être plus forte que l'instinct maternel."

 

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