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Le blog de Ritournelle

Est-on volontairement méchant ?

Ritournelle

Les philosophes émettent à ce sujet des avis différents.

Pierre Bourdieu pense que nous obéissons à des déterminismes. Selon lui, les psychanalystes ne sont pas là pour donner des bons ou des mauvais points. Ils tentent d'expliquer une action, de lui donner du sens, sans faire intervenir la morale. Car il ne suffit pas d'invoquer la figure du mal pour comprendre la violence ou la méchanceté. Ces sciences déterministes s'opposent à la vision humaniste se référant à notre libre arbitre et à notre autodétermination. Elles cherchent des causes dans un environnement et une histoire.
Pierre Bourdieu cherche à se "donner les moyens de comprendre, c'est à dire de prendre les gens comme ils sont en offrant les instruments nécessaires pour les appréhender comme nécessaires, en les rapportant méthodiquement aux causes et aux raisons qu'ils ont d'être ce qu'ils sont". Il s'agit d'identifier "les conditions sociales et les conditionnements dont l'auteur du discours est le produit. Selon lui, il y a une raison à toute trajectoire. En validant ce déterminisme social, beaucoup d'acteurs politiques ont cependant négligé ces circonstances atténuantes - comme on dit en droit pour alléger une peine quand on examine les motivations de l'infraction ou les traits de caractère du criminel. Elles inviteraient à relativiser la gravité d'une action en la resituant dans un contexte et une histoire. Certains sont même allés jusqu'à moquer "une culture de l'excuse"sans vraiment prendre en considération une distinction essentielle, celle qui sépare l'explication de la justification, et la justification de l'excuse.

 

Jean-Paul Sartre a une autre vision des choses. Pour lui, chacun est responsable de ses actes. Notre comportement ne se justifie par aucune détermination sociologique, historique ou psychanalytique. Ce n'est pas notre environnement ni notre passé qui peuvent excuser nos turpitudes car nous demeurons libres en n'importe quelle circonstance. Comme il le dit, l'existence - notre action tout au long de notre vie - précède l'essence -  ce que nous serions a priori. Nous nous inventons à mesure que la vie se déroule et nous confronte à des choix qui nous engagent personnellement mais également tous les hommes avec nous. Personne n'est donc bon ou méchant par nature, et il n'existe aucune valeur transcendante telle que le bien ou le mal.
"Les gens de Bien ont forgé la mythe du Mal en privant la liberté humaine de son pouvoir positif et en le réduisant à sa seule négativité. Ainsi négatif par essence, le méchant est un possédé dont le destin, quoi qu'il en ait, sera toujours de nuire; il est libre pour mal faire, pour lui le pire est toujours sûr."
Le méchant serait donc celui qui croit à la méchanceté comme à une catégorie immuable, plein de ce qu'il nomme "la mauvaise foi". En se figeant dans une forme de déterminisme, il ignore l'inquiétante liberté qui est la nôtre, notamment celle de faire du mal, à l'abri de laquelle personne n'est. En conclusion, "le seul qui fasse du mal sa constante préoccupation, c'est l'homme de Bien puisque le Mal est d'abord sa propre liberté, c'est à dire un ennemi sans cesse renaissant qu'il doit terrasser sans cesse.
Mais le Méchant existe, nous le rencontrons en tout lieu, à toute heure. Il existe parce que l'homme de bien l'a inventé."


Extrait du dossier Y a -t-il des bons et des méchants? Philosophie magazine n°175

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