La chambre de Mariana

Adapté d'un roman de Aharon Appelfeld, ce film d'inspiration autobiographique retrace un épisode de la seconde guerre mondiale en Ukraine, au cours duquel Hugo, 11 ans, est confié à Mariana, une amie d'enfance de sa mère, pour fuir la déportation.
L'enfant , fils de pharmaciens juifs de Czernowitz, se sépare avec difficulté de sa mère qui veut lui éviter le pire. La ville est sous occupation allemande, les rafles dans le ghetto sont fréquentes. Hugo se retrouve dans une maison close où vit Mariana. Sa présence doit passer inaperçue, aussi doit-il rester caché dans un réduit de la chambre de la prostituée, dont il ne sort que très rarement, en restant à une certaine distance de la fenêtre pour ne pas éveiller les soupçons. Pendant deux ans, il est le témoin discret du métier de Mariana, qui accueille régulièrement les soldats allemands souvent violents et irrespectueux . Il devine que sa protectrice fait bonne figure devant lui en feignant un certain détachement par rapport à cette activité qui est sa seule ressource.
N'étant pas juive, elle ne craint pas la déportation, mais le danger existe réellement ailleurs.
Hugo dans sa cachette s'invente une vie; entre les interstices des planches, il perçoit un peu de la réalité, et lorsqu'il parvient à se poster près de la fenêtre de la chambre, c'est sa petite voisine qu'il voit partir avec ses parents dans la file des déportés. Ce qui l'aide à survivre, c'est ce que son imagination a emmagasiné de souvenirs heureux auprès de sa famille, en particulier de sa mère dont le fantôme lui apparaît souvent.
Au fil du temps, il grandit, se rapproche de Mariana qui entretient avec lui un relation un peu trouble.
La guerre se termine, les russes succèdent aux allemands, ce qui n'est pas une bonne nouvelle pour Mariana, ni pour Hugo, pour des raisons différentes...
Emmanuel Finkiel signe une œuvre toute en force et en sobriété, en résonance avec l'actualité. Ce film d'apprentissage au rythme un peu lent dans sa première partie, met en scène un enfant suspendu à la vie qu'on lui cache, qui grandit dans la solitude de sa clandestinité, imagine le monde à partir de ce qu'il en perçoit, s'éveille peu à peu à la sexualité avec la figure ambigüe de sa protectrice.  Il est remarquablement interprété par Mélanie Thierry, complètement habitée par son personnage jusqu'à en parler la langue, apprise en deux ans; elle propose toute une gamme d'émotions qui vont de la fantaisie à la douleur en passant par la douceur, l'apaisement. Le jeune Artem Kyryk lui donne la réplique avec une grande justesse, pour former un duo captivant.
Utile et bouleversant!