Figures de la politique dans l'Antiquité et aujourd'hui
Le monde actuel voit l'émergence de ceux que l'on nommait tyrans dans l'Antiquité. L'exemple le plus probant dans un pays démocratique est celui de Donald Trump qui, depuis son arrivée au pouvoir, n'en finit pas de prendre des mesures contraires à la démocratie, accablant les immigrés ou les fonctionnaires, souhaitant annexer le Panama, le Groënland et le Canada pour asseoir davantage son pouvoir. Mais il n'est pas le seul, Javier Milei en Argentine et Victor Orban en Hongrie suivent le même chemin.
La tyrannie se distingue du despotisme qui s'adresse à des sujets non libres et de la dictature qui peut être rattachée à une morale religieuse ou laïque. La monarchie est fondée sur la tradition, le droit divin; le totalitarisme s'appuie sur une idéologie souvent inculquée très tôt. La tyrannie se moque de la moralité, de la décence et de la justice, n'a pas d'idéologie, mêle vérité et mensonge selon les circonstances, n'est pas vraiment un régime politique, repose seulement sur la prise de pouvoir d'un individu et se caractérise par certains aspects :
- elle survient lors des crises démocratiques :
Pour Platon, la démocratie mène à l'anarchie par excès de liberté, et seul le tyran semble capable de rétablir l'ordre. Tocqueville en 1835 affirme :"Ce qui me répugne le plus en Amérique, ce n'est pas l'extrême liberté qui y règne, c'est le peu de garantie qu'on y trouve contre la tyrannie. Lorsqu'un homme ou un parti souffre d'injustice, à qui voulez-vous qu'il s'adresse? A l'opinion publique? C'est elle qui forme la majorité; au corps législatif? il représente la majorité et lui obéit aveuglément..." Il pense que tous les habitants peuvent être saisis d'un même délire, sans souci de légitimité, et que la justice devrait reposer sur des principes non soumis à l'opinion.
- le pouvoir est aux mains d'une seule personne
Pour Platon, le tyran est incapable de se gouverner lui-même, il laisse s'exprimer sa part bestiale et sauvage, n'a ni pudeur, ni sagesse. Incapable de mener une vie normale, il cherche toujours la compétition, et selon Aristote, son but est la jouissance alors que celui du roi est la vertu. C'est un être désinhibé, parfois ridicule, mais qui exerce une fascination par ses qualités d'orateur qui use de démagogie. Il vise à l'efficacité du discours et non à sa vérité.
- l'usage de la force
Le tyran use de violence physique et verbale. Il lutte contre ses adversaires, crée et entretient des guerres pour justifier les efforts demandés à ses sujets, prolonge l'état de suspension des libertés fondamentales par intérêt personnel. Le philosophe John Locke estime qu'on doit s'opposer au tyran lorsqu'il ne se soucie plus du bien commun mais de son ambition personnelle, suggère alors le tyrannicide comme légitime défense.
- la culture du divertissement
Pour compenser la servitude, le tyran propose de nombreuses fêtes et spectacles pour étourdir le peuple. Difficile dans ce cas de faire émerger une opposition contraire à la volonté de la majorité qui l'a élu.
Les philosophes d'aujourd'hui commentent davantage le totalitarisme, le fascisme et le populisme. Pour actualiser la réflexion des Anciens, le concept de tyrannie apparaît de nos jours en rapport avec la technologie et les réseaux sociaux, "drogues" d'un nouveau genre. Internet est une possibilité d'expression sans limites mais sans débat constructif. C'est aussi un instrument de surveillance des foules, la possibilité d'exercer de façon discrète la violence par le biais des algorithmes et en cela, il représente le nouveau visage de la tyrannie.
Extraits de l'article "Où commence la tyrannie?"- A.Lacroix - Philosophie magazine n°188