Sur ma mère
Albert Cohen a célébré la mère méditerranéenne, celle qui ne vit que pour ses enfants, dans 'Le livre de ma mère". Tahar Ben Jelloun lui rend un vibrant hommage
dans ce roman dont l'écriture s'est imposée tant les dernières années de vie de celle qui a tout donné se sont avérées douloureuses pour elle et pour son entourage. Insidieusement, la maladie
d'Alzheimer a peu à peu ôté sa dignité à cette femme et curieusement, elle a permis de révéler à son fils des pans de sa vie qui lui étaient jusqu'alors inconnus. Car cette maladie opère une
libération des mots et des gestes et toute la pudeur qui masquait les détails intimes d'une vie, les sentiments qu'on n'ose pas démontrer, se trouve balayée pour faire place à une spontanéité
parfois débridée, excessive; c'est à travers cette loghorrée verbale qui retrace les moments forts d'une vie, exprimés souvent dans une grande confusion que Tahar Ben Jelloun a pu recomposer un
puzzle dont il ne connaissait que peu d'éléments, mettre des mots sur les silences de cette femme déjà mère à 15 ans, mariée 3 fois, analphabète et si fière de ce fils célèbre, vivant loin d'elle
en France. Quand le compte à rebours commence, elle redevient une petite fille qui demande et mérite toutes les attentions qu'elle même a offertes à ses enfants; cette lente dégradation est sans
doute la chose la plus pénible à accepter pour celui qui l'observe ; les mots traduisent un regard chargé d'amour et d' émotion face à ce départ plus triste que la mort elle-même.
Un très beau témoignage d'amour filial....