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Le blog de Ritournelle

Peut-on encore s'intéresser à la politique

Ritournelle

Le niveau du débat politique peut-il justifier un désintérêt pour la vie démocratique?

Peut-être. mais ce désintérêt pourrait aussi se réclamer d'une posture esthétique. Quand on observe la baisse du niveau global du langage politique et la nature de certaines questions "politiques" récurrentes (Combien e.Macron a-t-il gagné d'argent lorsqu'il était banquier? François Fillon a-t-il rendu les bons costumes?), notre désintérêt pourrait sembler plus qu'un droit - un véritable devoir d'esthète. Quel plaisir de se réveiller le matin avec la fantaisie en fa mineur de Schubert plutôt qu'avec les questions de J.J. Bourdin!
Mais il faut réfléchir à cette question du désintérêt. Si nous avons une conception idéaliste de la démocratie et la considérons comme le régime d'une souveraineté populaire effective ou comme une occasion d'amélioration de l'humanité de l'homme, nous risquons en effet d'être consternés par sa réalité et écoeurés par la succession des "affaires". Mais si nous nous faisons de la démocratie, dans le sillage de Raymond Aron, une idée réaliste, alors nous portons un autre regard sur son fonctionnement, et même sur les dites "affaires".
Aron définit la démocratie comme le seul régime qui organise pacifiquement et institutionnellement, la compétition entre les prétendants au pouvoir. Dans un tel régime, tous ceux qui sont dans l'opposition ainsi que l'ensemble des médias, tentent en permanence de prendre les gouvernants en flagrant délit d'abus de pouvoir : c'est pour l'opposition la manière la plus rapide de s'installer dans le fauteuil du pouvoir, et pour les médias, de justifier leur existence. Politique et médias veillent donc sur nos libertés!
Et la démocratie, même lorsqu'elle fonctionne mal, (ce qui est d'ailleurs le cas depuis le début de son histoire), reste de loin le régime qui nous protège le mieux de l'abus du pouvoir. Or, insiste Aron, tout pouvoir tend naturellement à l'abus de pouvoir. Dans une démocratie, nous sommes protégés du pire, nous l'oublions trop souvent. L'abus de pouvoir, en démocratie, consiste en l'attribution de quelques emplois fictifs. Dans d'autres régimes, il s'agit d'exécutions, de déportations...Vues sous cet angle, les affaires dont nous nous plaignons tant révèlent plutôt la vitalité de notre démocratie que sa décadence.
Se désintéresser de la vie démocratique, au motif qu'elle serait salie par les affaires ou par l'obsession de la transparence, c'est oublier la chance que nous avons de vivre dans un monde globalement pacifié, d'aller et de venir librement, en étant, pour l'essentiel, protégés de l'arbitraire du pouvoir. En ce sens, quiconque accompagne ses enfants tranquillement à l'école le matin, ne peut pas se désintéresser complètement de la politique.

C.Pépin - Philosophie magazine n°juin 2017

 

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