Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de Ritournelle

L'université de Rebibbia - Goliarda Sapienza

Ritournelle
L'université de Rebibbia - Goliarda Sapienza

Goliarda Sapienza, figure majeure de la littérature italienne, décédée en 1996, a eu une vie hors norme. Militante, féministe, comédienne, intellectuelle, elle a gravité dans plusieurs milieux qui ont forgé sa personnalité. En tant que femme libre, elle a connu des périodes difficiles, que ce soit pour assurer son quotidien, faire entendre ses convictions ou être reconnue en tant qu'écrivaine.
C'est dans l'une de ces périodes, après le refus des éditeurs de publier son autobiographie, L'art de la joie (critique dans ce blog) qu'elle sombre dans un profond désespoir, d'autant que le pays connaît un climat de guerre civile avec les Brigades rouges. Elle dérobe des bijoux à l'une de ses amies, ce qui lui vaut d'être incarcérée pendant l'année 1980 dans la prison de Rebibbia à Rome, le plus grand pénitencier pour femmes en Italie.
Ce court livre est donc le récit de cette parenthèse particulière dans la vie de Goliarda. Elle nous fait pénétrer dans un univers qu'elle refuse dans un premier temps. En s'isolant dans sa cellule, elle se replie sur elle-même, mais peu à peu décide de capter les moindres signes qui lui arrivent : ce sont des bruits, des odeurs, elle laisse ses sens percevoir l'inconnu, imaginer. Puis ce "théâtre underground" se dévoile au fur et à mesure avec ses codes, ses personnages si différents où les prostituées côtoient les droguées, les militantes politiques: toutes sont le reflet de la société :
"Je voulais seulement, en entrant ici, prendre le pouls de notre pays, savoir où en sont les choses. La prison a toujours été et sera toujours la fièvre qui révèle la maladie du corps social.".
Le point commun entre toutes ces existences, c'est l'exclusion, qui laisse des traces indélébiles :
"...Aucune télévision ou radio installée dans chaque cellule ne peut effacer l'horreur d'être expulsé de la société humaine et laissé à moisir dans ces lieux que dehors on croit conçus seulement pour quelques repris de justice et que, quand on est dedans on découvre être de vraies grands villes..."
Dans ce monde clos, s'installent des rivalités, de la violence, mais aussi des amitiés, à tel point que certaines se créent un lien affectif que "dehors" elles ne connaissent pas, et pour cette raison, une fois leur peine purgée, elles font tout pour revenir dans ce cocon. Goliarda apprécie les discussions avec les militantes ou avec des jeunes voisines de cellule abîmées très tôt par la vie, elle observe, analyse, donne et reçoit de l'affection, réapprend à vivre au contact de ces êtres de solitude :
"...Moi aussi, maintenant, j'ai tellement hâte de sortir parce que ça fait un an que je suis dedans, mais au bout de deux ou trois mois de liberté dans l'anonymat - liberté qui a pour seul avantage qu'on vous laisse mourir seul - je sais que me reprendra les désir d'ici. Il n'y a pas de vie sans communauté, on le sait bien : ici, on en a la contre-épreuve, il n'y a pas de vie sans le miroir des autres..."
Ce livre interpelle, il est une magnifique leçon de vie écrite avec sensibilité et sobriété.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commentaires
G
description poignante de ce personnage hors du commun et au visage plein de beauté. Envie de la lire.....
Répondre
R
Oui et c'est une expérience rare dans un monde auquel on n'a pas accès !