Une façon d'aimer - Dominique Barbéris

Dominique Barbéris est née à Douala, au Cameroun, dans une famille d’origine nantaise. Son roman Une façon d’aimer, qui a remporté le prix de l’Académie française 2023, est inspiré de ces lieux ancrés dans sa mémoire.
La narratrice trouve dans ses affaires une photo jaunie de sa tante Madeleine, la sœur de sa mère, sous-titrée « Douala, allée des cocotiers 1958 ». L’histoire de Madeleine intrigue sa nièce et sa fille, car un mystère plane depuis que la grand-mère a prononcé cette phrase : "« Parles-en donc à ta tante, de ce genre de bêtise. Elle a failli en faire une, et une grosse. Tu gardes ça pour toi, bien sûr. »
Toutes deux vont se pencher sur le parcours de cette femme maintenant décédée à partir des lettres et des photographies qu'elle a laissées.
D'une grande beauté, élégante et discrète, Madeleine, un petit air de Michèle Morgan, porte les robes à la mode des années 50, aux imprimés fleuris, des jupes larges avec l'ourlet à la cheville. Elle a du maintien, attire le regard des hommes, pourtant aucun ne trouve grâce à ses yeux.
Son célibat inquiète sa famille, jusqu'à sa rencontre avec Guy, à l'âge de 27 ans. Elle l'épouse à Nantes, sans grand enthousiasme, avant de le suivre à Douala où il a un poste dans la Société des bois du Cameroun.
C'est l'époque du colonialisme, le pays veut son indépendance, les révoltes éclatent un peu partout.
Madeleine donne naissance à une fille, a du mal à trouver sa place dans le milieu des expatriés qui trompent l'ennui en organisant des soirées où la danse et l'alcool favorisent les rencontres soi-disant secrètes qui alimentent les potins de cette petite société. Son air provincial, sa grande timidité et sa beauté froide attirent un administrateur charmant,Yves Prigent, réputé aussi aventurier.
Quatre ans après Madeleine et son mari reviennent à Nantes. Que s'est-il donc passé?
Avec beaucoup de délicatesse, Dominique Barbéris explore le destin de cette femme d'un autre temps, dans une société corsetée, à qui il a manqué un réel épanouissement , à cause des conventions sociales. Elle a laissé fuir ses désirs, résignée à sa vie d'épouse parfaite; son mari lui a pardonné les élans secrets qu'il a devinés et auxquels il n'a pas eu droit, car son amour pour elle était immense. L'écrivaine exprime avec subtilité les craintes et le charme de la tentation chez celle dont le livre favori restera "Thérèse Desqueyroux" de François Mauriac et qui écoutait la chanson de Mouloudji : Un jour, tu verras, on se rencontrera.
Un texte empreint de nostalgie, celle du temps passé et des amours inabouties, mélancolique et élégant.
Le silence, une autre façon d'aimer...
 

«Il n'était pas très grand ; des cheveux bruns, peignés en arrière et crantés, le front haut, une chemisette avec des pattes sur l'épaule. Il sourit en fumant. Puis tendit la main à Madeleine : Vous dansez ? Elle s'excusa : Non, je danse très peu, je ne danse pas bien. Mais il insista et il la tira vers la piste.»

"Les enfants sentent la solitude des adultes. Elle les touche parce qu'elle les rend plus proches."