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Le blog de Ritournelle

Souvenirs de l'avenir - Siri Hustvedt

Ritournelle

Siri Hustvedt a des origines norvégiennes par sa mère ; son père, américain, descend d'une famille d'émigrés norvégiens.
Elle a grandi dans le Minnesota, et à l'âge de 23 ans,en 1978,  elle arrive à New York, en quête d'aventure, pour donner vie à son premier héros de roman, et par là, se trouver elle-même.
Sa bourse d'études de littérature comparée à l'Université de Columbia lui permet de trouver un logement très modeste dans un immeuble décrépi de Manhattan. Elle a pour voisine une femme étrange dont les soliloques fréquents l'intriguent , au point de les écouter contre la cloison de sa chambre avec le stéthoscope de son père médecin, et de les noter dans un cahier. Il est question d'un certain Ted et de sa fille décédée tragiquement.
40 ans plus tard, en triant des affaires dans l'appartement de sa mère de 94 ans,  la femme de 63 ans retrouve ce journal de jeunesse , déterminant pour sa vie d'adulte.
Elle décide alors d'en faire un roman.
C'est l'occasion de confronter deux mémoires, celle de l'étudiante des années 70 et celle de l'écrivaine d'aujourd'hui. Du voyage entre passé et présent, il apparaît que le temps, le recul, transforment les souvenirs que la mémoire a enregistrés . L'analyse qu'en fait l'adulte est souvent différente de ce que la jeune fille percevait à l'époque; la mémoire du corps intervient aussi pour rappeler des épisodes douloureux, violents.
Lorsque la mémoire d'aujourd'hui ne reconnaît pas vraiment les événements tels qu'ils ont été transcrits dans le cahier, c'est que l'imagination a comblé le vide : c'est l'oeuvre du temps, que l'écrivaine perçoit aussi chez sa mère très âgée , dont la mémoire s'efface peu à peu.
Plusieurs récits composent ce roman : les extraits du journal avec les soliloques de la voisine Lucy, les réflexions d'aujourd'hui, les flash-back sur le passé, les ébauches de ce premier roman de jeunesse. La narration suit le fil de la pensée, ce qui la rend parfois confuse et complexe. Le lecteur a parfois du mal à s'y retrouver, c'est le principal bémol que je ferai à ce texte dense qui par ailleurs a les qualités que l'on connaît à cette écrivaine : une réflexion profonde sur les rapports humains, sur le sexisme, sur l'art aussi , ici par le biais d'un hommage à la baronne Elsa von Freytag- Loringhoven, artiste dada qui a très certainement été à l'origine de "l'urinoir", oeuvre attribuée à Duchamp. Mais cette oeuvre aurait-elle été aussi célèbre en portant le nom d'une femme?
Faut-il y voir un sous-entendu personnel : son mari Paul Auster qu'elle a épousé en 1980 aurait-il connu le même succès littéraire si elle, l'intello du couple, n'y avait pas participé d'une certaine façon ? Il est mentionné dans le roman sous le nom de Walter, mais avec bienveillance, puisque c'est un homme avec qui elle partage sa vie  depuis 40 ans...
Autofiction, roman d'apprentissage, essai, ce livre rassemble jeu de mémoire, quête d'identité, réflexions philosophiques. Sa lecture n'est guère facile mais enrichissante...

"Le passé peut-il servir à se cacher du présent?Dites-moi où finit la mémoire et où commence l’invention ?"

"Tout livre est un repli de l’immédiat vers le réfléchi, Tout livre inclut un désir pervers de faire cafouiller le temps, de tromper son cours inévitable."

"Mes souvenirs, douloureux ou joyeux, apportent-ils une preuve ténue de mon existence ?"


 

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Commentaires
C
J'ai.lu un.de ses livres..." Un été sans les hommes"<br /> j'avais beaucoup aimé....avec son mari Paul Auster...<br /> 2 excellents écrivains.. ....
Répondre
R
Je n'ai pas lu "Un été sans les hommes" (ce n'est pas perdu) mais "Tout ce que j'aimais" et "Un monde flamboyant". J'aime aussi cette écrivaine dont les thèmes me concernent, le féminisme, l'art, les relations humaines. Ici, j'ai trouvé qu'il y a un peu trop de récits qui s'entremêlent (elle aurait dû supprimer les ébauches de son premier roman) mais l'ensemble est toujours intéressant.