La passion de Dodin Bouffant

Tran Anh Hung a librement adapté le roman de Marcel Rouff paru en 1924 : La vie et la passion de Dodin-Bouffant. L'histoire se passe en 1885; ce fameux gastronome, ancien juriste, consacre désormais son temps à concocter des mets savoureux avec l'aide de sa fidèle cuisinière Eugénie, pour recevoir ses quatre amis, tous amateurs de bonne chère. Eugénie est plus qu'une simple cuisinière, elle est aussi l'amour de sa vie, mais son décès brutal annule leur projet de mariage . Le chagrin de Dodin est considérable, et lorsque peu à peu, la douleur se fait moins intense, il part à la recherche d'une nouvelle cuisinière.
Le réalisateur a choisi de mettre en lumière toute la période de complicité qui précède la mort d'Eugénie. On assiste à un ballet quotidien derrière les fourneaux de Dodin et de sa cuisinière, aidée par une jeune servante, Violette et sa seconde, Pauline,  chargées des menues tâches. Dans un magnifique décor du XIX e siècle, tous s'affairent auprès du chef qui donne des ordres pour concocter une série de plats plus appétissants les uns que les autres. Les recettes sont détaillées, les ingrédients les plus raffinés défilent sur les tables et la jeune Pauline, déjà très douée, doit deviner la composition des sauces : tous se livrent à une expérience des sens dans cet art total qu'est la cuisine, une quasi-religion où rien n'est laissé au hasard, où chaque geste fait partie d'un cérémonial bien établi. Les amis habituels goûtent en silence les plats raffinés, et lorsque le prince d'Eurasie reçoit Dodin, ce dernier lui rend l'invitation en préparant un plat typiquement français : le pot-au-feu, avec un grand choix de viandes et de volailles, accompagnées de légumes et de sauces sophistiquées pour éblouir l'invité.
Lorsque sa fidèle cuisinière montre les premiers signes de sa maladie, Dodin lui prépare amoureusement des repas délicats...
Tous les amateurs de bonne chère ne doivent pas passer à côté de ce film porté par deux magnifiques acteurs, tellement justes et émouvants dans leur complicité retrouvée. Ils incarnent deux solitaires pudiques, animés par la même passion qui donne ses lettres de noblesse à l'art culinaire français , en nous rappelant que la meilleure cuisine est bien celle qui se prépare avec patience et amour .
La caméra nous fait habilement participer à ce festin des sens, dans lequel les mots ont peu d'importance. Seule la beauté des gestes et des regards suffit pour suggérer toutes les odeurs et les saveurs de ce fabuleux festin. La participation du chef Pierre Gagnaire ajoute de la crédibilité à cette histoire toute en émotion, qui célèbre les plaisirs simples de la vie et titille agréablement nos papilles !
Ce film a obtenu le prix de la mise en scène à Cannes et va représenter la France aux Oscars
A voir sans hésitation!