Lune de miel

Elise Oztenberger est d'origine polonaise, comme les personnages de ce film dans lequel elle a voulu retracer une expérience vécue il y a peu :

"Sur internet, il y a beaucoup de sites de recherche qui tentent de mettre en relation des descendants de certains shtetls [petite ville ou quartier juif en Europe de l'Est avant la Seconde Guerre mondiale, ndlr]. Avec mon mari, on avait posté un message et on a été retrouvés par une dame polonaise, non juive, de Zgierz. Elle s'était passionnée pour l'histoire de la communauté juive de son village, et s'était mise en tête d'organiser cette commémoration".
C'est la démarche qu'entreprend un couple de parisiens trentenaires, Anna et Adam, après avoir reçu une invitation pour se rendre à la commémoration du soixante-quinzième anniversaire de la destruction de la communauté juive du grand-père d'Adam.
Les parents d'Anna se chargent de la garde de leur bébé et voilà Anna et Adam partis pour un road-movie sur les traces de leurs origines, qui doit les mener jusqu'à une petite ville , près de Lodtz. C'est l'hiver, le temps ne facilite pas les choses, la méconnaissance de la langue polonaise non plus, ce qui donne lieu à quelques gags qui donnent le ton au film : l'humour, la dérision viennent tempérer la gravité du propos. Dans cette histoire aux rebondissements multiples, la fiction alterne avec la partie documentaire. Ainsi, la rescapée qui témoigne auprès des classes de la vie dans les camps est une déportée qui a réellement vécu ces atrocités enfant.
Histoire d'identité, histoire de transmission, nécessité de retrouver ses racines, de revenir sur un douloureux passé , Elise Oztenberger le formule ainsi :
"...Dans l’histoire de la Shoah, la position de la troisième génération, à laquelle j’appartiens, est particulière. On a souffert des silences de nos parents, qui cherchaient sans doute à protéger leurs propres parents, revenus des camps, à se protéger eux-mêmes et à s'intégrer à la société française".
De plus, ce film s'avère utile en cette période de regain de l'antisémitisme.
Il nous fait découvrir Cracovie, les paysages polonais avec pour guides Judith Chemla et Arthur Igual, très crédibles dans leurs personnages opposés, elle pleine d'entrain mais aussi très inquiète, angoissée, lui, plus posé, rassurant. Le personnage de la mère, femme étrange, décalée, est remarquablement interprété par Brigitte Rouan.
Entre humour et émotion, c'est une première oeuvre prometteuse de cette jeune réalisatrice