Sorry we missed you
Cinéaste engagé, Ken Loach s’attaque toujours à des problèmes contemporains de notre monde, aux dérives dont le capitalisme est responsable à plusieurs niveaux. Dans ce film, il traite de l’ubérisation du travail et de ses conséquences pour les travailleurs précaires, devenus des robots soumis à des cadences, sans temps de repos et sans prestations sociales.
A Newcastle, Ricky , qui a enchaîné plusieurs boulots mal payés dans le bâtiment, envisage de devenir travailleur indépendant. Sa femme Abbie est aide à domicile, s’occupe avec une grande générosité de personnes âgées. Ils rêvent d’avoir une maison où ils auraient une vie normale avec leurs deux enfants, et Ricky ne veut plus dépendre d’un patron qui l’exploite. On lui propose de devenir chauffeur-livreur indépendant pour une plate-forme en ligne (d'où le titre du film : "Désolé de vous avoir manqué", phrase écrite par les livreurs lorsque le destinataire du colis est absent), mais pour cela, il doit acheter un camion. Déjà couvert de dettes, le couple n’a d’autre solution que de vendre la voiture d’Abby, qui devra prendre le bus pour son travail.
Cette nouvelle vie a des conséquences sur toute la famille : Ricky ne compte pas ses heures de travail pour assurer la rentabilité de la plate-forme, Abby rentre épuisée après visité toutes les personnes âgées éloignées les unes des autres, ils se voient peu, et leur fils, souffrant de l'absence de ses parents autant que du manque de perspective d'un avenir meilleur pour eux comme pour lui, sombre dans la délinquance.
De plus, Ricky se fait dérober sa marchandise de livraison par des voyous qui le blessent, mais vu les pénalisations consécutives à cet incident, l’impératif du travail est incontournable…
Alors que la perspective d’un travail indépendant aurait pu améliorer la vie de cette famille, elle ne fait que la compliquer en lui créant de réels soucis matériels, en lui imposant de nouvelles contraintes, en perturbant les liens pourtant si forts qui unissent parents et enfants.
Mais c’est au pire moment que ces liens se retissent, laissant à entendre que la solidarité familiale reste le bien le plus précieux, même s’il est compliqué.
Ken Loach démontre que l’ubérisation du travail reflète le vrai visage de la crise actuelle, une société où l’humain régresse au profit d’une minorité .
Avec toujours la même force de conviction, soulignée par la violence physique ou verbale de certaines scènes, le cinéaste nous entraîne sur son terrain favori de militant en nous confrontant à des situations crédibles, parfois très émouvantes.
Un film efficace, utile, qui donne à réfléchir par son message opposé à celui des stratégies politiques actuelles.
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