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Le blog de Ritournelle

Ruines - Pierre Lepape

Ritournelle

Pierre Lepape est décédé en décembre dernier. Ce fin lettré, journaliste, critique littéraire, né dans l'Eure en 1941, a découvert la ville du Havre à 4 ans, dévastée par les bombardements de la guerre. L'image de la ville en ruines est restée imprégnée dans sa mémoire.
Dans cet essai aux accents autobiographiques, il confie s'être construit face aux désastres de l'Histoire grâce aux livres; il rend un vibrant hommage à la littérature dont il analyse l'évolution, pour constater avec nostalgie sa lente disparition dans le monde d'aujourd'hui.
Le titre du livre fait donc aussi référence à ce déclin qu'il juge évident, après des périodes de gloire au 19ème siècle , grâce à la bourgeoisie  alors au pouvoir. L'écrivain établit un parallèle entre pouvoir, société et littérature affirmant que toutes les mutations, transformations sociologiques et historiques ont eu un impact sur le rôle de la littérature. Ainsi, pendant l'Occupation, les écrivains prennent des positions politiques différentes, de même que les éditeurs. On apprend ainsi que Gallimard et Grasset étaient en rivalité permanente, le premier refusant la compromission, le second acceptant de publier des écrivains antisémites comme Drieu la Rochelle. Des rivalités d'opinion aussi chez Mauriac et Sartre, Aragon et Pierre Emmanuel, Leiris et Guéhenno.
Dans la deuxième moitié du 20ème siècle, porteuse de nouveautés dans les domaines artistique et littéraire, Pierre Lepape souligne la lente dégradation de la littérature. A 20 ans, il ne trouve pas dans le Nouveau Roman la qualité des ouvrages précédents, et il y voit le début de la naissance de la société de consommation, accentué par la création des Maisons de la Culture par Malraux, l'arrivée du livre de poche . Mettre la culture à la portée de tous implique la disparition de la qualité, les éditeurs se conformant à la loi du marché.
La logique de la culture de masse conjuguée à la concurrence des écrans fait que la production littéraire voit disparaître les revues littéraires, les tirages des livres non recommandés par les médias baisser considérablement. De même, l'usage fréquent des e-mails conduit à l'appauvrissement de la langue. 
Un essai intéressant, érudit, empreint de nostalgie, qui incite le lecteur à pratiquer "la religion de la littérature", pour préserver cet outil indispensable à la compréhension et au bien-être du monde .

 « J’ai essayé, comme bien d’autres, de défendre l’autonomie de la littérature dans les tribunes qui m’étaient confiées par les journaux. J’ai écrit des livres qui, tous, s’interrogeaient sur le pouvoir spécifique des mots et de la littérature à éclairer l’humanité — et peut-être à la changer. »

« J’ai écrit sur mes lectures pour essayer de créer des ponts entre les écrivains, leurs livres et la masse potentielle de leurs lecteurs. Avec cette conviction que j’essayais de faire partager que la littérature englobait aussi son histoire, celle de la langue et de ses usages, celles des manières de lire : un outil irremplaçable pour comprendre la vie. »


 

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Commentaires
C
J'ai noté.....très intéressant...
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R
Oui, on apprend beaucoup de choses sur l'importance de la littérature et son lien avec le monde
C
Belle analyse de ce livre.
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R
Merci Catherine, de m'avoir prêté ce livre!