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Le blog de Ritournelle

Les différentes formes d'aventure

Ritournelle

...Le voyage comme déplacement sans destination fixe ouvre également à un autre rapport au possible et à la surprise.
En acceptant de découvrir des lieux proches de chez nous, parfois moins documentés et en choisissant la marche à pied, on peut se mettre à désirer l'inconnu, ce que l'on n'a pas encore vu en photo. Le philosophe Vladimir Jankélévitch distingue à ce titre "l'aventurier" de "l'aventureux". Le premier est un "professionnel de l'aventure". Il est serein parce qu'il sait parfaitement où il va, il a un programme fixe d'aventures à accomplir. C'est ce qui nous rassure dans le trajet en avion : un vol d'un point A à un point B, une destination fixe, une organisation bien millimétrée.
"L'aventureux" est au contraire celui qui accepte l'imprévu à chaque instant. Selon Jankélévitch, nous ne sommes plus dans le "programme" inscrit dans un "système d'existence" exigeant, propre au touriste qui a soif d'aventure, mais dans une attitude qui relève de la libre improvisation.
"Dans l'aventure innocente et désintéressée, l'aventureux est toujours un débutant", rappelle Jankélévitch. En sortant des destinations de rêve et des voyages organisés, en choisissant le sillon plutôt que le survol, l'aventure de la marche plutôt que le confort du hublot, on accepte donc aussi d'être un éternel novice. A ce titre, se déplacer différemment nécessite du courage. Ce renouveau de notre rapport au voyage doit donc également s'adosser à des alternatives efficaces et économiques.
A l'échelle politique, des solutions existent pour continuer de voyager en évitant de voler plusieurs milliers de fois par an. Parmi les plus discutées en France, on trouve la taxation du kérosène émis par l'industrie aérienne, mais aussi la relance du train de nuit sur les lignes intérieures et européennes, la baisse des tarifs du voyage sur rail et , plus largement, l'investissement dans un meilleur maillage ferroviaire. Ces mesures pourraient soutenir la volonté citoyenne en offrant des alternatives de déplacement terrestre démocratiques et moins polluantes.
"L'avenir, tu n'as point à le prévoir mais à le permettre", écrivait Antoine de St Exupéry dans Citadelle (1948). En l'occurrence, il ne s'agit pas de nier les forces individuelles, mais de leur donner une assise, un champ de possibilités concret sur lequel s'appuyer, afin que chacun puisse atterrir sans se brûler les ailes.

Extrait de l'enquête L'avion a-t-il du plomb dans l'aile? Philosophie magazine n° été 2022

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