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Le blog de Ritournelle

Cher connard - Virginie Despentes

Ritournelle

«  Cher connard,
J’ai lu ce que tu as publié sur ton compte Insta. Tu es comme un pigeon qui m’aurait chié sur l’épaule en passant. C’est salissant, et très désagréable. Ouin ouin ouin je suis une petite baltringue qui n’intéresse personne et je couine comme un chihuahua parce que je rêve qu’on me remarque. Gloire aux réseaux sociaux  : tu l’as eu, ton quart d’heure de gloire. La preuve  : je t’écris.  »
Après sa trilogie Vernon Subutex, Virginie Despentes a fait paraître l'été dernier ce roman très contemporain qui met en scène des personnages via les réseaux sociaux. D Le ton de leur échange est donné avec cette entrée en matière plutôt violente.
Rebecca Latté, une star de cinéma proche de la cinquantaine, répond du tac au tac sur Instagram à Oscar Jayak, un écrivain à succès qui a publié une récente photo d'elle où elle n'est plus que l'ombre de la "femme sublime qui initia tant d'adolescents à ce que fut la fascination de la séduction féminine à son apogée". S'en suivent plusieurs insultes de part et d'autre, jusqu'à ce que l'écrivain confesse avoir connu Rebecca à l'adolescence par le biais de sa soeur qui était l'une de ses amies.
L'échange épistolaire se fait alors plus apaisé, donne lieu à des confrontations d'idées sur des sujets très variés et d'autres plus intimes. Entre en scène un troisième personnage, Zoé Katana, une ancienne attachée de presse qui accuse Oscar de harcèlement sexuel pendant la période où elle a travaillé pour lui, ce qu'il nie ...Cette révélation met de la distance entre Oscar et Rebecca, mais le dialogue reprend pour aborder ce qui occupe le monde d'aujourd'hui, les réseaux sociaux, la vague MeToo, l'épidémie de covid et ses conséquences sur les rapports humains, la dépendance de l'homme à la machine, la guerre, le cinéma, les écrivains controversés, la musique, et l'addiction sous toutes ses formes, un sujet qui les rapproche puisque tous deux en sont victimes et vont tenter de s'en délivrer, grâce à ce rapprochement imprévu entre eux au cours de leurs échanges. Les deux personnages passent ainsi de la haine à la fraternité, en arrivent à se comprendre, à s'estimer.
Et l'on retrouve un thème cher à l'écrivaine, celui de l'amitié qui parvient à réunir deux êtres dissemblables. Malgré leurs différences, leurs idées opposées, ils ont en commun des névroses, des peurs, contre lesquelles ils essaient de lutter.
Avec toujours ce sens de la formule, ce vocabulaire cru et cet humour ravageur qu'on lui connaît, l'écrivaine signe un roman percutant sur notre temps, et si on la compare souvent à Houellebecq pour la lucidité et le recul que tous deux ont sur l'époque, Virginie Despentes compose une œuvre plus littéraire et dresse un tableau moins sombre en donnant à ses personnages la possibilité d'envisager un avenir meilleur.
Drôle , saisissant et profondément humain!

"L’addiction c’est chercher du réconfort dans ce qui détruit – à moins que ce ne soit rendre destructeur ce qui te réconforte."

"C’est ça la guerre, dire nous ne sommes pas les autres."

"On se drogue pour des raisons politiques c’est un dialogue avec les ancêtres. On se drogue pour oublier les guerres qu’ils ont traversées, dont ils sont revenus – ou pas...ou alors on se drogue pour se rappeler la guerre, le chaos et l’intensité et qu’on reste vivant et que c’est un miracle quotidien."

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