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Le blog de Ritournelle

Grâces lui soient rendues : Paul Durand-Ruel , le marchand des impressionnistes - Pierre Assouline

Ritournelle

"On passe une vie à tourner autour de quelques êtres et ils finissent par nous habiter à notre insu. Paul Durand-Ruel fut la présence secrète de mes livres sur Kahnweiler, Camondo, Gallimard et Cartier-Bresson ; aussi ai-je choisi de lui rendre grâces à mon tour sous la forme d'un récit forcément impressionniste, aussi sensible à ce qui part du dedans qu'à ce qui arrive au-dehors. "Comment devient-on une Légende ? Cette question pourrait résumer l'intention de ma biographie autant que l'existence de Paul Durand-Ruel (1831-1922). "
Ainsi s'exprime Pierre Assouline sur la quatrième de couverture de ce livre qui retrace la vie de ce personnage méconnu du grand public et qui a une importance majeure dans l'histoire de l'art . Sans lui, un grand nombre de peintres n'auraient pas laissé de trace, pas plus qu'ils n'auraient pu mener à bien leurs recherches techniques, ni vivre de leur art, mais pour certains cela a été plus évident que pour d'autres...
Ce fils d'un marchand d'art et d'une papetière, né en 1831, reprend à 34 ans le commerce familial de vente de matériel pour artistes qui soutient les peintres de l'école de Barbizon, puis il devient l'ami de ceux qui vont créer le groupe des impressionnistes. Il ouvre une galerie rue Laffitte à Paris, centre important du marché de l'art, puis une autre à Londres pendant la guerre de 1870, où il rencontre Monet et Pissarro.
Il organise plusieurs expositions, pour faire connaître ceux qu'il juge être des novateurs : Monet, Renoir, Sisley, Pissarro, Millet, Corot, Daumier, Manet, Berthe Morizot, Mary Cassatt, Degas, Puvis de Chavanne, en dépit du goût de l'époque et des critiques acerbes. Non seulement Paul Durand-Ruel prend des risques, mais il aide financièrement plusieurs peintres. Sa générosité ne s'accorde pas avec sa piètre gestion des finances; la banque de l'Union générale lui apporte son aide, avant de faire faillite elle aussi, et de contraindre le marchand à vendre à bas prix plusieurs œuvres de l'école de Barbizon et des Impressionnistes. Mais sur les conseils de Mary Cassatt, Durand-Ruel se tourne vers l'Amérique et connaît le succès en ouvrant à Boston sa première galerie en 1883. S'en suit enfin la reconnaissance officielle de ces peintres qui va se propager en Europe, et notamment en France où ils ont été si mal accueillis. Jusqu'à sa mort en 1922, le marchand va s'évertuer à donner aux artistes le succès qu'ils méritent en achetant un nombre considérable de leurs œuvres.
Clémenceau lui rend un bel hommage : « De quels tourments Durand-Ruel sauva Monet en lui permettant d'être et de demeurer lui-même à travers toutes les entreprises de médiocrités. Grâces lui soient rendues !".
S'il faut rendre grâce à ce visionnaire plein de paradoxes, monarchiste, anti-sémite, opposé à l séparation des églises et de l'Etat, mais aussi proche du communard Courbet ou de l'anarchiste juif Pissarro, il convient de saluer son extraordinaire capacité à donner un souffle nouveau au marché de l'art en utilisant plusieurs moyens pour promouvoir les artistes : des expositions collectives et individuelles, des galeries dans plusieurs pays, l'utilisation de la presse et de la finance , l'accès gratuit aux galeries.
Pierre Assouline  rend compte avec soin de la personnalité d'un homme passionné, audacieux dans ses choix, déterminé à mettre l'art au premier plan dans un contexte empreint de tradition et politiquement troublé.

« On ne dira jamais assez à quel point une œuvre d’art peut engager la vie de celui qui la reçoit, qu’il s’agisse d’un livre, d’un tableau, d’une photographie, d’un poème, d’un monument. Encore faut-il qu’elle soit montrée et soumise au jugement. La première fois que Mary Cassatt vit des Degas, elle sut quel sens donner à sa vie ; elle avait vingt-huit ans et cela se passait dans la galerie de Durand-Ruel.»

« Pourquoi une belle esquisse nous plaît-elle plus qu’un beau tableau?C’est qu’il y a plus de vie et moins de formes...L’esquisse ne nous attache peut-être si fort qu’étant indéterminée, elle laisse plus de liberté à notre imagination. »

« Tempérament, c’était le mot clef de tout son discours sur la peinture. Ne définissait-il pas une œuvre d’art comme un coin de la création vu à travers un tempérament ? »

« La rivalité n’empêchait pas l’association ponctuelle avec tel ou tel de ses concurrents. Mais en égard à sa philosophie du métier, ils n’en demeuraient pas moins des adversaires potentiels. Ceux qui s’en avisèrent alors seulement comprenaient un peu tard la nature de la révolution que Paul Durand-Ruel avait fait accomplir à son métier : non seulement il avait concilié l’âme du mécène et l’esprit du commerçant quand cela ne se faisait pas, mais il avait été le premier à imposer que les amateurs adaptent leur goût à celui du marchand quand jusqu’alors le contraire avait été la règle. »
 

Paul Durand-Ruel peint par Renoir

Paul Durand-Ruel peint par Renoir

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Commentaires
C
Excellent Pierre Assouline....lu " Lutetia".."Paquebot" et j'attends .. mon frère le termine.."le Nageur "...<br /> je note celui ci que je ne connaissais pas.<br /> Excellente semaine Françoise 😉😘
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R
C'est une biographie intéressante, bien documentée et importante dans le domaine de l'art.<br /> Bonne semaine à toi aussi Cathy !