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Le blog de Ritournelle

Le colibri - Sandro Veronesi

Ritournelle

Après avoir vu le film de Francesca Archibugi, adaptation libre du roman de Sandro Veronesi, prix Strega 2020 et prix du livre étranger 2021, j'ai eu envie de me plonger dans le texte original, pour mieux comprendre le destin du personnage principal, Marco Carrera. Cet ophtalmologiste florentin, est confronté dès le début de l'histoire aux prédictions du psychanalyste de sa femme qui annoncent la fin de son mariage. Si le film n'aborde pas le scénario de la même façon, il n'en reste pas moins que le spectateur ou le lecteur peuvent être parfois déroutés par la structure complexe que Sandro Veronesi a donnée à son œuvre. Chaque chapitre représente un moment chronologique dans la vie de Marco, sa date permet de faire un saut dans le temps, et la juxtaposition de lettres, de mails, ou de coups de téléphones entre chacun d'eux est comme une rupture nécessaire dans le récit pour créer un contraste entre les époques, mais aussi pour diluer la souffrance du protagoniste. Une construction souple, non linéaire, à l'image de la vie.
Dès le départ, le lecteur connaît les zones de turbulence dans la vie de Marco : depuis l'enfance, il assiste aux disputes fréquentes de ses parents, puis il voit dans sa rencontre avec Marina, hôtesse de l'air , un signe du destin, en raison des similitudes de la vie de la jeune femme avec la sienne, mais hélas basées sur un mensonge. Ensuite ce seront les deuils successifs auxquels il devra faire face. Pour contrebalancer ces épreuves, il y a l'amour platonique que Marco voue à Luisa, depuis l'adolescence . Il a signé avec elle un pacte de chasteté, se contente de quelques rencontres furtives au fil du temps, mais il maintient le lien par la correspondance.
Le ton est donné, on devine la fragilité du contexte, soulignée par une étude psychologique intéressante. Si Marco , à l'image du colibri, fait du surplace en concentrant son énergie, c'est pour mieux supporter les aléas de la vie tout en restant lui-même. Il s'agit de trouver la résilience, de cheminer vers la compréhension des événements malheureux ; addict au jeu, il se libère de ce travers en réalisant l'indécence du gain d'une énorme somme d'argent qu'il finit par refuser. Il comprend que la vérité, c'est sa petite-fille qui la lui apporte : il voit en elle une dimension messianique, l'incarnation de "l'homme nouveau", capable de faire le bien. Elle se fait la porte-parole d'une nouvelle génération de femmes, porteuses d'espoir.
"Là où tu n'as aucun pouvoir, garde-toi de vouloir": cette phrase d'un philosophe allemand qui a sauvé Samuel Beckett du suicide, Marco la fait sienne. Il finit par abandonner de vouloir, la seule chose qu'il s'autorise à décider, c'est sa mort.
Personnage sincère et attachant, candide, il symbolise le courage, s'épuise à subir les catastrophes autour de lui jusqu'à se rendre compte, lui, spécialiste des yeux, qu'il ne voit que des illusions et que la vraie vie est ailleurs.
Une lecture pas toujours facile, un roman dense, envisagé comme un puzzle, foisonnant, complexe, à portée philosophique et humaniste, avec un personnage lumineux et terriblement humain.

Il est préférable de lire le livre avant de voir le film pour en saisir toute la subtilité.

"Ils n’étaient pas faits l’un pour l’autre. À vrai dire, personne n’est fait pour personne, et des gens comme Marina Molitor ne sont même pas faits pour eux‑mêmes."

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