Veiller sur elle - Jean-Baptiste Andrea

J'ai découvert Jean-Baptiste Andrea avec son excellent roman "Des diables et des saints"paru il y a deux ans. Avec "Veiller sur elle", qui vient d'obtenir le prix Fnac, il nous entraîne dans une fiction romanesque dont l'intrigue se situe dans le pays d'origine de ses ancêtres, l'Italie.
Les deux protagonistes sont des êtres hors norme issus de mondes très différents. Michelangelo , dit Mimo, naît en 1902 de parents italiens de Ligurie émigrés en France. Son père sculpteur meurt à la guerre de 14 et sa mère, se retrouvant sans ressources, le confie à un oncle sculpteur vivant dans la Piémont, à Pietra d'Alba, afin qu'il apprenne le métier pour lequel elle le croie fait dès sa naissance. Zio Alberto n'est pas très doué, mais Mimo apprend vite et se découvre une vraie passion pour la sculpture. Il résiste aux mauvais traitements de son oncle alcoolique, tout comme aux moqueries de ceux qui remarquent sa très petite taille. Avec un autre apprenti d'Alberto, il va au cimetière la nuit, lieu mystérieux où il croit apercevoir un soir une forme inquiétante, sorte de fantôme qui disparaît très vite.
La famille puissante de la ville est celle des Orsini, des riches propriétaires qui font appel à Alberto pour des travaux. Lors de l'un de ces chantiers, Mimo rencontre la fille de la maison, Viola, une adolescente belle et très intelligente, qui puise dans la bibliothèque de son père pour assouvir sa soif de connaissance. Elle confie à Mimo son rêve secret : être indépendante et pouvoir voler , se sent capable de braver tous les interdits pour y parvenir. Son autre secret, est sa proximité avec une ourse vivant dans la forêt.
Entre Mimo et Viola se crée un lien très fort qui traverse le temps malgré des déceptions, des disputes, malgré les aléas de l'Histoire avec la montée du fascisme.
Si le sort fait échouer certains projets de l'un ou de l'autre, il n'en reste pas moins que tous deux ne se perdent pas de vue très longtemps et que la tendresse qu'ils se manifestent est la preuve que leur complicité tient au sentiment de leur différence, tout comme à leur désir commun de liberté et de création.
Jean-Baptiste Andréa confirme son talent de romancier avec cette histoire portée par deux personnages magnifiques dans leur complexité, dans leur désir de vivre sans se soucier des conventions, justes et sincères dans le lien qui les unit.
Son style très fluide, sobre et poétique, souligne la portée universelle de ce récit dense aux multiples rebondissements, célèbre l'art et la création .

« Sculpter, c'est très simple. C'est juste enlever des couches d'histoires, d'anecdotes, celles qui sont inutiles, jusqu'à atteindre l'histoire qui nous concerne tous, toi et moi et cette ville et le pays entier, l'histoire qu'on ne peut plus réduire sans l'endommager. Et c'est là qu'il faut arrêter de frapper ».
 

"C'est ridicule, tout ça.
- Qu'est-ce qui est ridicule, Mimo ?
- Toi, moi. Notre amitié. Un jour on s'aime, le lendemain on se déteste...Nous sommes deux aimants. Plus nous nous rapprochons, plus nous nous repoussons.
- Nous ne sommes pas des aimants.Nous sommes une symphonie.Et même la musique a besoin de silences."
Un merveilleux voyage dans le temps, dans l'art, un réel plaisir de lecture!
A lire sans hésitation

Comments

[Dussaut Cathy]

Oui je l'ai pris..une excellente critique partout.
Bonne semaine Françoise..😉😘