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Le blog de Ritournelle

Stupeur - Zeruya Shalev

Ritournelle

Ce dernier roman de l'écrivaine israélienne confirme le lien entre politique et intime dans une société profondément marquée par son histoire.
L'écrivaine elle-même a été victime d'un attentat suicide en 2004, il lui en est resté des blessures physiques , ainsi que le désir de comprendre la violence d'une situation qui semble sans issue.
Le roman met en scène deux personnages principaux : Atara, une femme d'une quarantaine d'années, qui se rend à l'hôpital voir son père mourant. Celui-ci la confond avec une certaine Rachel, son premier amour, connue avant de rencontrer la mère d'Atara. Rachel est une énigme pour la jeune femme, elle souhaite la rencontrer pour éclaircir ce mystère familial qui s'entremêle avec l'histoire d'Israël.
Sonder le passé, c'est aussi ce que fait Atara dans sa vie professionnelle, elle est attachée à la protection des monuments historiques. Elle vit à Haïfa, où cohabitent Juifs et Arabes, avec son mari Alex et leur fils Eden.
A 90 ans, Rachel vit recluse dans sa maison de Tel-Aviv, reçoit la visite de l'un de ses fils de temps en temps. Dans sa jeunesse, elle a connu le danger en participant aux luttes qui ont abouti à la fondation d'Israël en 1948.
Pour l'approcher, Atara se fait passer pour une sociologue enquêtant sur le Lehi, ce groupe extrêmiste qui a cru connaître la paix en expulsant les Anglais de Palestine dans les années 40, sans imaginer ce qui allait suivre...
Rachel, malgré son grand âge, se souvient parfaitement de ses années de lutte qui l'ont conduite à aimer passionnément Mano, à se marier avec lui, avant qu'il ne décide de la quitter, en abandonnant aussi la lutte armée.
Pourtant, elle n'est plus la  même personne, doute de l'avenir de son pays et n'apprécie pas l'engagement de son fils auprès des Juifs ultra-orthodoxes.
Atara, quant à elle, ne s'investit pas dans l'histoire de son pays, car elle est préoccupée par sa vie privée. Elle a quitté mari et enfant pour suivre Alex avec qui elle a eu Eden, mais rongée par le remords, elle ne connaît pas la sérénité. L'incompréhension fait suite à la passion dans son couple.
Rachel et Atara sont les symboles de l'histoire d'Israël, dans cette alternance entre passé et présent. Elles sont les figures opposées d'un temps où le militantisme prédominait et de l'époque actuelle qui fracture la société entre élan et incertitude. Rachel est une héroïne romantique, Atara, une femme qui a perdu ses illusions.
Avec une grande maîtrise du récit et une finesse d'analyse psychologique de ses personnages, ce livre nous aide à comprendre comment la société israélienne est structurée, nous parle de l'omniprésence de la religion, de la difficulté d'aimer lorsque la situation extérieure influe sur l'intimité, insiste sur la nécessité de dialogue entre les générations.
Un constat amer, émouvant, mais non dénué d'espoir.

A quoi bon préserver le patrimoine d’un pays qui n’a aucune chance d’exister dans deux ou trois générations. (...) Il faut construire vite, simple et fonctionnel, sans s’occuper du passé puisque à chaque instant, un volcan peut entrer en éruption et nous dégager d’ici.”

"Elle revenait aussi sur l’opération où ils avaient fait sauter le pont Neeman afin de couper la voie ferrée qui reliait la Syrie à l’Égypte, précisait qu’elle avait insisté pour y participer et leur en décrivait le déroulement : ils avaient entendu, affolés, le train approcher, en avance d’une bonne heure, et avaient à la hâte décroché les pains d’explosifs qu’ils venaient difficilement de placer pour ne les repositionner qu’après le passage du dernier wagon, « nous voulions saboter leurs moyens de transport, pas tuer des innocents. Nous voulions faire expier les Anglais et venger tous ces bateaux d’immigrants qui, après avoir échappé à l’enfer nazi, étaient renvoyés à la mer. »

"Jamais elle n'avait eu le moindre doute sur la légitimité de leur combat, maintenant non plus, ce n'est pas cela qu'elle remet en cause , mais ce qui pousse un être humain à se dévouer à une idée davantage qu'à ceux qui lui sont le plus cher. Certes, il est clair que si, dans sa génération et dans les  précédentes, ne s'étaient pas levés des individus prêts à faire passer leurs idées avant ceux qu'ils chérissaient, jamais ce peuple n'aurait récupéré son pays, et sans pays, les Juifs auraient continué à être cruellement persécutés."

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Commentaires
D
Une auteure que j'apprecie....j avais lu "Douleur"..celui ci reçu en cadeau anniversaire ..excellent également. <br /> <br /> La pluie nous accompagne depuis qq jours non stop . j'ai commencé la Saga sicilienne de Stefania Auci..la Saga des Florio. .addictif et passionnant....ayant fait 2 voyages en Sicile...j'apprécie...<br /> <br /> Bonne semaine Françoise <br /> Bises🥰
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R
C'est le premier livre que je lis de cette écrivaine. Elle nous fait prendre conscience de nos différences culturelles et l'on se dit que notre environnement est pour l'instant plus apaisé que le sien, même si les difficultés relationnelles sont universelles, ce qui lui a fait dire que l'école devrait apprendre à aimer.<br /> Bonne lecture sicilienne ! Bises