Dans les forêts de Sibérie

« Assez tôt, j’ai compris que je n’allais pas pouvoir faire grand-chose pour changer le monde. Je me suis alors promis de m’installer quelque temps, seul, dans une cabane. Dans les forêts de Siberie.J’ai acquis une isba de bois, loin de tout, sur les bords du lac Baikal. Là, pendant six mois, à cinq jours de marche du premier village, perdu dans une nature demesurée, j’ai taché de vivre dans la lenteur et la simplicité.
Je crois y être parvenu.
Deux chiens, un poele a bois, une fenêtre ouverte sur un lac suffisent à l’existence.
Et si la liberté consistait à posséder le temps?
Et si la richesse revenait à disposer de solitude, d’espace et de silence – toutes choses dont manqueront les générations futures?
Tant qu’il y aura des cabanes au fond des bois, rien ne sera tout à fait perdu. »

Ces paroles de Sylvain Tesson relatent une expérience vécue en 2010 dont il a tiré un livre. Safy Nebbou en a fait une adaptation libre. 
C'est l'histoire de Teddy, un citadin, qui part vivre en Sibérie dans une cabane près du lac Baïkal, pour être en communion avec la nature et se trouver lui-même. Là-bas, c'est le silence, la solitude, le temps qui se ralentit. La nature, sublime, est aussi hostile : le gel, le blizzard auxquels il est difficile de s'accoutumer, la proximité des ours, rendent le quotidien assez rude. Dans ces conditions climatiques difficiles, Teddy est sauvé par un ermite braconnier qui vit seul dans la forêt ; cet être a perdu l'habitude du contact humain, il s'est retiré loin des villes pour éviter la prison, suite à un crime qu'il a commis. L'improbable rencontre fait éclore une amitié entre les deux hommes.
Safy Nebbou a rajouté cette fiction qui n'existe pas dans le livre pour éviter l'ennui que risquerait de créer un trop long développement contemplatif et méditatif sans dialogue . Le film est porté par l'acteur Raphaël Personnaz, dont le jeu, tout en finesse, nous fait partager cette expérience de "sobriété heureuse"dans une nature où tout est démesure. Les images magnifiques de ses courses en patin ou à moto sur la glace sont une invitation à jouir de cette beauté à l'état pur. Comment exprimer mieux ce sentiment de liberté qui a motivé la démarche du personnage? Et la musique d'Ibrahim Maalouf ajoute encore de la grâce à cette extase sensorielle.
La réflexion ébauchée dans ce film incite à lire le roman de Sylvain Tesson pour aller plus loin dans le ressenti d'un aventurier d'aujourd'hui.