Heureux comme Lazzaro

Prix du scénario au dernier festival de Cannes, le 3ème film d'Alice Rohrwacher a pour cadre la campagne italienne, un hameau, l'Inviolata, où vivent la marquise Alfonsina de Luna et une famille de paysans qui cultivent sa propriété. Consciente du danger que représenterait de les traiter en êtres de leur temps, la marquise en fait ses esclaves, mène de main de fer les travaux, ne rémunère pas ces adultes complètement isolés du monde, et se contente de faire la lecture aux enfants pour se donner bonne conscience. Ce régime d'exploitation se répercute aussi dans cette famille où le jeune Lazzaro est soumis au bon vouloir de chacun. Il est la générosité même, sans une once de malveillance dans son comportement, sa naïveté se reflète dans un sourire permanent en toute situation. L'arrivée de Tancredi, le fils de la marquise, jeune dandy citadin, change la donne. Entre les deux garçons se noue une profonde amitié, grâce à laquelle Lazzaro va évoluer vers la modernité, mais est-ce pour autant un bien pour lui et les siens?
Oscillant entre réalisme et conte, ce film politique et social nous donne à réfléchir sur la situation des campagnes, et plus largement, sur tous les laissés-pour-compte, de plus en plus nombreux dans le monde d'aujourd'hui. Le visage magnétique et empreint de grâce de Lazzaro, sorte de saint moderne, vient équilibrer la noirceur de l'injustice, de l'humiliation subie par ses proches.
Il y a beaucoup de choses exprimées dans ce scénario , l'exploitation de l'homme par l'homme, la déshumanisation du monde d'aujourd'hui, la beauté de la campagne mise en valeur par des images superbes, et la nécessité de croire en une certaine humanité.
La première partie du film est lumineuse, la seconde bascule dans des accents surréalistes. Entre tragédie et merveilleux, on peut être dérouté, étonné, mais aussi séduit par la poésie et la sensibilité qui se dégagent du style particulier d'Alice Rohrwacher.