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Le blog de Ritournelle

Rousseau a lui aussi expérimenté la quarantaine

Ritournelle

Rousseau trois siècles plus tôt, témoigne de son expérience de la quarantaine à Gênes.
“Nous ne transformerons pas l’Italie en un lazaret”, déclarait le président du Conseil italien, Giuseppe Conte, à la fin du mois de février – le mot “lazaret”, du nom de Lazare, dans l’Évangile, désignait autrefois un établissement de quarantaine pour les biens et les personnes provenant de lieux ravagés par la peste. C’est maintenant chose faite.
Depuis dimanche 8 mars, 16,7 millions de personnes sont confinées dans le nord de l’Italie. Soit un quart des Italiens alors que l’épidémie de coronavirus a fait 366 morts, et que le nombre de contaminations a explosé.
Giuseppe Conte a annoncé l’adoption d’un décret interdisant de sortir ou d’entrer dans la zone, excepté en cas d’urgence, obligeant à la fermeture des musées, des salles de sport et de spectacles, et des services publics. En dehors de la zone, les restrictions sont également nombreuses. Elles concernent notamment les lieux publics ou privés prévoyant des rassemblements.
Pour le président du Conseil, “cette bataille ne se gagnera que grâce à l’engagement de chacun de nous”. Il a appelé chacun à la “responsabilité”.
Cette conviction, Jean-Jacques Rousseau la partage en son temps. Et le philosophe parle d’expérience ! Il est en effet lui-même contraint à la quarantaine dans un lazaret, à Gênes, en août 1743. “Ni fenêtre, ni table, ni lit, ni chaise, pas même un escabeau pour m’asseoir, ni une botte de paille pour me coucher”, rapporte-t-il dans les Confessions“Comme un nouveau Robinson, je me mis à m’arranger pour mes vingt-un jours comme j’aurais fait pour toute ma vie”, avec une sagesse toute stoïcienne, invitant à distinguer ce qui dépend de nous et ce qui n’en dépend, et à s’accommoder de ce qui n’en dépend pas.
Le philosophe rappelle par ailleurs dans le Contrat social combien l’intérêt commun doit primer sur la volonté particulière, même si chacun “peut, comme homme avoir une volonté particulière, contraire ou dissemblable à la volonté générale qu’il a comme citoyen”.
Mais aujourd’hui, alors que l’aggravation de l’épidémie suscite un vent de panique dans le pays, le désordre dans les transports et la crise dans les hôpitaux, jusqu’à des mutineries meurtrières dans les prisons, l’enseignement rousseauiste mâtiné de stoïcisme – apprendre “à se combattre, à se vaincre, à sacrifier son intérêt” – est-il encore seulement audible ?

Philosophie magazine n°mars 2020

 

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