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Le blog de Ritournelle

Liberté et déterminisme

Ritournelle

Des philosophes croyaient en l’existence d’un destin, sans forcément juger que ce pourrait être un obstacle. Pour les stoïciens, l’accepter était même nécessaire pour être libre.

Dans quelle mesure sommes-nous responsables de nos actes ? Peut-on s’émanciper de notre destin ? Ce type d’interrogation apparaît principalement dans le cadre de la philosophie hellénistique, à partir du 4ème siècle avant notre ère, dont les écoles les plus connues sont le stoïcisme, l’épicurisme, ou encore le scepticisme. Pour cause, beaucoup de ces penseurs postaristotéliciens défendaient une conception matérialiste de la physique : la formation du monde, la croissance comme la disparition des êtres s’expliquaient exclusivement par l’action de la matière, des corps et des atomes les uns sur les autres, action elle-même déterminée par des mouvements antérieurs…
Dès lors, la question de la liberté engageait celle de sa compatibilité avec le déterminisme : sommes-nous libres et responsables si des causes matérielles physiques et indépendantes de notre volonté déterminent tout ou partie de nos actions ?

Les jeux sont faits
Epicure a tendance à relativiser cette idée. Pour lui, l'ordre causal n'est pas aussi strict, car il est soumis à une "déviation" laissant aux humains une marge de manoeuvre. Les stoïciens en revanche contestent l’existence d’un tel mouvement, sans cause et hasardeux. Pour autant, s’ils défendent l’existence d’un déterminisme, ils le jugent conciliable avec la liberté. Concrètement, un destin inaltérable s’imposerait certes aux individus, mais ces derniers pourraient y réagir différemment . Un sage répondrait vertueusement et sereinement aux provocations du destin là où l’insensé aurait une réaction vicieuse le menant à sa perte. Bien qu’ils soient soumis aux même événements, leurs réactions diffèrent et défendent d’eux, au moins en partie.

Seul le sage est libre
Chrysippe espérait montrer par là qu’une certaine liberté est compatible avec le déterminisme. Cette stratégie avait néanmoins l’inconvénient d’échanger un déterminisme pour un autre. En effet, si nos actions dépendent de nous, ne faudrait-il pas chercher un déterminisme dans notre milieu sociologique, notre constitution, ou encore dans d’éventuels facteurs héréditaires ? C’est en réponse à ce problème qu’Epicure, stoïcien de l’époque impériale, a proposé une nouvelle distinction, entre les choses qui dépendent de nous et celles qui n’en dépendent pas. Concrètement, les événements sont indépendants de notre seule volonté : le temps qu’il fera demain, le succès de nos projets ou encore les comportements d’autrui. En revanche, nous aurions toujours la possibilité de croire ou de ne pas croire quelque chose, de céder à une émotion ou de nous y refuser, de nourrir des rêves impossibles ou d’accepter le réel pour ce qu’il est. Autrement dit, nous sommes absolument libres parce que nous disposons d’une faculté de choix.
En définitive, seul le sage est libre parce qu’il n’est pas gouverné par ses passions, tandis que les insensés vivent dans une servitude dont ils demeurent responsables, ne faisant pas l’effort de s’y soustraire.
Plus précisément les stoïciens estiment que les passions ne sont pas issues d’une quelconque partie irrationnelle de l’âme qui contraindrait notre volonté, mais naissent de ce que nous choisissons de désirer, de croire et de penser. Ainsi nos troubles comme notre servitude ne seraient imputables qu’à nous-mêmes. A l’inverse, si l’homme véritablement libre est celui dont les désirs ne sont jamais entravés, il suffit de ne pas désirer l’impossible pour le devenir.

Ignorer ce qui adviendra n’empêche pas le sage d’être optimiste
Si le sage stoïcien est celui qu’aucune aversion ne contraint, n’inhibe ou ne décourage, c’est dans la mesure où il a choisi d’accepter le cours des choses, quel qu’en soit le résultat.

Parier avec optimisme
Le stoïcien accepte donc l’adversité du destin. Le fait d’ignorer ce qui adviendra n’empêche pas le sage d’être optimiste et de choisir des actions dites « préférables ». Le stoïcisme ne se réduit pas à une résignation car l’inéluctable n’est jamais sûr avant d’être advenu.

Les stoïciens, stars de la pandémie
A l'heure où une pandémie et ses conséquences se sont imposées comme une fatalité au plus grand nombre, cette philosophie a pu apparaître comme un cadre idéal et un refuge. De manière générale, les stoïciens ont souvent suscité un engouement plus important que d’autres philosophes ces dernières années : l’idée que le bonheur, la liberté et la connaissance sont à la portée de tout un chacun, ici et maintenant, pourvu que l’on exerce sa volonté et que l’on travaille sur soi, s’accorde bien avec les préceptes contemporains du développement personnel et du bien-être.
F. Trécourt


Extrait de l'article Sommes-nous libres si tout est déterminé? O.D'Jeranian- Philosophie magazine août-sept. 2021

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