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Le blog de Ritournelle

Minuit dans la ville des songes - René Fregni

Ritournelle

J'ai découvert René Fregni dans une émission de la Grande Librairie du mois de juin dernier et son étonnante facilité à manier le verbe m'a incitée à lire ce titre empreint de mystère et d'évasion. Evasion est un mot qui convient parfaitement à cet homme au parcours hors norme, né dans les quartiers populaires de Marseille, surnommé "quatre oeils" par ses camarades de CP à cause des lunettes qu'il était le seul de la classe à porter. A partir de là, il décide de ne plus porter de lunettes , ce qui lui vaut une scolarité médiocre, un dégoût profond pour l'école. Pourtant sa mère fait tout ce qu'elle peut pour le mener sur le chemin des livres en lui lisant des extraits des Misérables ou du Comte de Monte Cristo. Plus tard, l'adolescent glisse peu à peu vers la délinquance , se fait renvoyer de plusieurs établissements scolaires et choisit de parcourir le monde en exerçant des petits boulots. Il arrive en retard à la caserne où il doit effectuer son service militaire, le voilà donc au cachot pour le pire et le meilleur puisque l'aumônier lui propose quelques lectures pour tromper l'ennui. Et là, c'est une révélation pour l'homme réticent aux mots : il entrevoit avec Colline de Jean Giono tout un espace de rêve de sensations, et d'émotions qui lui était inconnu; son pays, la nature qu'il aime tant, lui apparaissent par magie; il réalise que le livre propose le plus beau des voyages.
Une autre rencontre décisive en prison le rapproche encore davantage des mots, celle du caïd marseillais Ange-Marie Santucci ; ce personnage intelligent et ancien complice de virées marseillaises, lui fait comprendre que savoir manier la langue est le seul moyen d'être respecté, et par là-même d'acquérir un certain pouvoir.
Parallèlement à la lecture apparaît progressivement le goût de l'écriture, d'abord par un petit carnet dans lequel René Fregni note en prison les mots nouveaux, puis à l'hôpital psychiatrique où il travaille, en rédigeant des rapports sur les malades qu'il côtoie dans la journée pour les infirmières de nuit  : "Ce fut une étrange initiation. Je trempais chaque soir ma plume dans une encre de solitude, e délires et de sang." Le grand amoureux des femmes qu'il a toujours été prend alors conscience que sa plume peut devenir un instrument de séduction .
Ecrire devient un plaisir, une nécessité, où que ce soit : "J'ai passé toutes ces années à ramasser des mots partout, sur le bord des routes, dans les collines, sur les talus du printemps, le banc des gares, le quai des ports ..."
Ecrire est aussi synonyme de partage, celui qu'il aura avec des détenus en animant des ateliers d'écriture en prison.
Voilà un parcours de vie incroyable, qui célèbre la littérature, la nature et l'amour des autres, celui des femmes en particulier, toujours lié à la mère, figure incontournable de l'enfance et quelque part à l'origine de sa renaissance :
" Si j'aime autant la présence des femmes, c'est que j'ai adoré plus que tout être près de ma mère, dans cette cuisine, sur les chemins des collines, dans les rues de Marseille. Tenir la main de ma mère, regarder son sourire et entendre sa voix. Tous les mots me viennent de ma mère, ils sont comme sa peau, doux, bienveillants, sensuels, gorgés d'émotion. Ils me protègent."
Ce livre est un réel plaisir de lecture, l'oeuvre d'un rebelle au coeur tendre, sensible, touchant, qui donne envie de voyager "dans un immense train qui n’existe pas. »
Un vrai coup de coeur, à lire absolument !

 

 

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Commentaires
C
Ton résumé donne envie de parcourir ce livre..<br /> j ai noté...
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R
C'est une lecture accessible à tous et qui fait du bien, redonne confiance en la nature humaine !