Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de Ritournelle

L'altruisme = valeur innée ou acquise?

Ritournelle

Nous partageons tous une affection intime pour notre espèce dans sa vulnérabilité comme dans ses succès. Pourtant l'indifférence, la xénophobie, le mépris social peuvent aussi être mis en avant pour soutenir que l'amour de l'humanité relève davantage de la fiction que de la réalité, que nos élans spontanés sont plus marqués par le désir de se protéger des autres plutôt que d'entrer en sympathie avec eux.
Est-ce à dire que la philanthropie doit s'apprendre? Dépend-elle de la culture dans laquelle nous avons été élevés? Mais si chaque culture est particulière, comment expliquer que certains événements extrêmes provoquent un sentiment unanimement partagé d'indignation et de compassion pour les victimes? Quelle est donc la part de nature et de culture dans notre attachement aux autres hommes?

-La solidarité spontanée de l'espèce humaine :
Rousseau soutient que notre espèce se distingue par le souci d'autrui, car la nature a mis en nous un sentiment moral : la pitié, qui tempère notre "amour de soi". C'est dans ce sentiment naturel qu'il faut chercher la cause qui fait que l'homme, indépendamment des "maximes de l'éducation" éprouve spontanément l'amour de l'humanité. La culture, elle, par son particularisme étouffe plutôt notre philanthropie naturelle en divisant l'humanité contre elle-même.
Néanmoins, il est établi que notre sympathie va d'abord à nos proches. Faut-il en déduire que plus nous nous éloignons des "liens du sang"ou du sol, plus la culture doit intervenir pour nous préserver des préjugés négatifs à l'égard d'autrui?

- Un apprentissage qui passe par la culture
Cicéron parlait de la "culture de l'âme" comme une condition essentielle pour nous humaniser. C'est en effet par le savoir que tombent les préjugés qui nous éloignent des autres. La philanthropie s'enseigne et elle s'étend bien au-delà de nos contemporains. Ainsi le philosophe et homme d'état romain estimait qu'on peut faire aimer les grands hommes disparus comme Caius Fabricius, modèle de vertu. Mais le même Cicéron invitait à haïr Hannibal, ennemi légendaire de Rome. Preuve que le cosmopolitisme dont il se réclamait restait dépendant d'un fort patriotisme; Serait-ce alors, comme le suggère Flaubert dans La légende de St Julien L'hospitalier, la religion qui véhiculerait un véritable amour du prochain et transformerait nos préjugés ou notre mauvais naturel en véritable philanthropie?
Les guerres de religion prouvent cependant que même les discours les plus humanistes n'échappent pas à des pratiques partisanes.

- La philanthropie, fiction historique ou réalité intime?
Si la culture, toujours plus ou moins ethnocentrique, ne peut enseigner une philanthropie authentique, cela signifie-t-il qu'il faut s'en passer? Sans doute pas, car on ne peut contester que, par exemple, l'humanisme de la Renaissance a contribué à dessiner la figure d'un "honnête homme"aimable. Mais on peut aussi soutenir avec Emerson que la culture, en forgeant même l'idée de philanthropie, fait paradoxalement obstacle au juste rapport que nous pouvons avoir avec notre propre humanité. C'est peut-être ainsi, en ayant "confiance en soi", en s'affranchissant de la tradition au profit de l'intuition, par le biais d'une "communion avec l'univers",que l'on pourra retrouver l'amour naturel qui nous porte à nourrir pour nos semblables des sentiments intenses de bienveillance.

En conclusion, l'amour de l'humanité, s'il est d'abord un élan naturel, doit sans doute être entretenu par la culture. Mais c'est peut-être en sondant notre propre humanité au contact de la seule nature qu'une philanthropie authentique est réellement possible.

Extrait de l'article L'amour de l'humanité nous est-il naturel? N. Tenaillon - Philosophie magazine n°167

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commentaires
T
Un vrai sujet de philo au bac... <br /> Sur la place des religions, je rajouterais la "bonne conscience" des nations adversaires chacune convaincue que Dieu est avec "eux" (elles)... alors que le dieu de leurs adversaires est censé être le même!
Répondre
R
Oui, ça paraît invraisemblable et pourtant je crois que l'être humain a besoin de faire partie d'un groupe, d'une tribu, avec ses propres codes qui ne correspondent pas à des notions d'universalité.