L'été, une saison où le corps s'expose, pour différentes raisons...

A l’heure où la saison estivale bat son plein, beaucoup profitent de la chaleur, du soleil, sur les plages ou ailleurs. Certains vont jusqu’à se dévêtir complètement, sont adeptes de cette pratique qui s’apparente à une philosophie de vie, cependant, il convient de faire la distinction entre nudisme et naturisme.
La philosophe Margaux Cassan précise que  le nudisme, c’est être nu pour être vu. On peut souhaiter être vu pour susciter le désir. Si vous êtes libertin, échangiste, vous vous mettez nu pour désirer et être désiré. Dans le naturisme, ce sont beaucoup plus les notions de groupe, de collectivité, que de singularité qui règnent. La nudité, telle que le naturisme l’envisage, permet de se fondre dans la masse. Il permet de disparaître en tant qu’objet de désir. Beaucoup s’imaginent que les naturistes se dénudent pour être regardés ou regarder les autres. C’est tout le contraire. On se met nu pour ne pas être soumis à la culture du regard, pour faire tomber l’armure entre soi et la nature et convoquer ainsi d’autres sens que la vue : le toucher, le goût, l’odorat, l’ouïe...Quand vous êtes dans un village naturiste, vous évoluez dans une sorte de communauté sauvage qui favorise l’expression synesthésique sensorielle, ce qui remet la vue à sa place, ni plus ni moins importante que celle des autres sens. Lorsque vous vous baignez nu, vous ne regardez pas les autres nager. Vous éprouvez le contact de votre peau avec l’eau, goûtez le sel sur vos muqueuses, sentez l’odeur des algues, écoutez le clapotis des vagues.
Le naturisme est né à la fin du 19ème siècle, en réaction au capitalisme industriel. Mouvement anarchiste, il lutte contre l’industrie agro-alimentaire, contre la présence du sucre dans les produits transformés, contre le « sucrivorisme », prône une vie saine, sans alcool ni tabac, en pratiquant les médecines alternatives. Cette approche obéit à une logique politique : elle repose sur le refus de mettre son corps au service d’une société qui l’aliène à une économie productiviste . Le mouvement a périclité à cause d’un manque de transmission...Sont venus se greffer d’autres récits comme celui de Mai 68, qui a eu tendance à confondre liberté des corps et liberté sexuelle . Il y a eu superposition mais aussi conflit de valeurs. Car ceux qui connaissent bien le naturisme savent qu’il cultive une forme de puritanisme. Le problème, c’est le libertinage et l’échangisme, qui sont venus se substituer au naturisme originel.
Et actuellement, les jeunes générations subissent l’impact des smartphones et réseaux sociaux qui ont tendance à leur faire croire que « leur corps est un objet d’exposition soumis à l’horreur de l’éternité ». Or le naturisme fait libérer le corps de ses complexes et du regard que l’on porte sur soi.
La nature propose une expérience de décentrement.
Extraits d’interview de Margaux Cassan par Hélène Fresnel :"On se met nu pour se camoufler"– Psychologies n°août 2023