Le premier mot

    Ce livre de Vassilis Alexakis qui figurait parmi les "Goncourables" va plaire à tous les linguistes et à tous les curieux ; le thème est original : il est contenu dans le titre. C'est la quête d'un professeur de littérature comparée à Paris, né en Grèce, qui aimerait avant de mourir, connaître le premier mot prononcé par l'homme et quelle en a été la motivation . Hélas, il va décéder sans avoir pu élucider cette énigme et c'est sa soeur, avec qui il a entretenu des liens très rapprochés, qui va tenter de relever ce défi en s'adressant à  des scientifiques et autres chercheurs . Les thèses sont variées, elles concernent aussi bien le langage de l'Homo sapiens que celui des bébés , le langage des signes, des chimpanzés , sans compter diverses expériences, notamment celles d'un roi d'Egypte ayant fait élever ses enfants loin de la civilisation afin de découvrir quel serait leur langage. Bien entendu les thèses de l'évolution et des créationnistes sont évoquées au milieu d'autres anecdotes plus contemporaines. On se perd parfois dans cette écriture foisonnante qui mêle la trame du roman (car ce n'est pas un essai) à la question essentielle posée; cependant on sort enrichi par cette lecture qui nous rappelle une des grandes énigmes humaines avec une tonalité parfois très actuelle...

"..Tout le monde aime les histoires, nous avons tous besoin d'une seconde vie qui nous console de la première, même ceux qui exercent un métier passionnant. Je suis persuadé que les explorateurs lisent la nuit, au coeur de la jungle, sous leur moustiquaire, des romans qui se passent dans de sévères collèges anglais..."

"...Il y a quarante mille ans, la population de l'Europe se compose comme aujourd'hui, d'autochtones et d'immigrés.

Ces derniers sont des Homo sapiens venus d'Afrique. Ils font partie du deuxième courant migratoire parti

de ce continent. Le premier a pris le départ il y a un million d'années et a permis à l'Homo erectus, l'homme debout, d'atteindre la Géorgie et la Chine méridionale. l'homme de Pékin, qui a été exhumé dans les années 20, appartient à cette famille et est âgé d'au moins cinq cent mille ans. L'Homo sapiens, s'est mis en route beaucoup plus tard, il y a moins de deux cent mille ans. C'est bien de lui que nous descendons, et non pas de cet Européen de souche qu'est l'Homme de Neanderthal, nous sommes donc des enfants d'immigrés.
-J'ignore si notre ministre de l'immigration et de l'identité nationale est au courant de ce fait, a-t-elle commenté en souriant..."