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Le blog de Ritournelle

Supplément à la vie de Barbara Loden - Nathalie Léger

Ritournelle

Wanda 1

Un titre qui peut sembler bien étrange...en fait, Nathalie Léger a été contactée pour écrire une notice sur Barbara Loden pour un dictionnaire de cinéma et c'est en faisant ses premières recherches qu'elle a eu envie de percer le mystère de cette femme par l'écriture.
Née en 1932 en Caroline du nord dans un milieu très humble, Barbara Loden quitte sa famille à 17 ans pour New York où elle exerce plusieurs métiers en rapport avec son physique avantageux: pin -up de calendrier, danseuse de cabaret ,puis actrice ; c'est cette dernière activité qui va lui permettre de connaître le cinéaste Elia Kazan qu'elle finira par épouser. Elle lit alors Céline, connaît les films de Godard, mais le regard qu'elle porte sur elle-même témoigne d'un grand besoin de reconnaissance :
" J'ai traversé la vie comme une autiste, persuadée que je ne valais rien, incapable de savoir qui j'étais, allant de-ci, de-là, sans dignité".
En 1970, elle réalise son unique film "Wanda" dans lequel elle s'attribue le rôle de cette femme inspiré d'un fait divers des années 60 aux Etats-Unis. Wanda a eu une vie affective chaotique : divorcée deux fois, elle abandonne ses enfants sans s'expliquer la raison de sa fugue, puis rencontre un voyou avec lequel elle se met en ménage. Celui-ci décède lors d'un hod-up manqué; Wanda sera condamnée à la prison ; pour cette peine elle remerciera les juges, ce que Barbara a du mal à comprendre : comment peut-on préférer l'enfermement à la vie? Mais ce qui la rapproche de cette femme, c'est son mal-être, son incapacité à se débarrasser d'une angoisse permanente , à se laisser manipuler, à ne pas savoir exister pour elle-même :
" On ne saura jamais d'où vient la blessure qui condamne Wanda à la désolation, on ne saura jamais quelle ancienne trahison ou quel abandon lointain l'ont plongée dans ce désarroi sans aspérité et sans partage. On ne saura pas non plus de quelle perte, de quelle absence elle ne peut se consoler, On la prend comme on se prend soi-même, dans l'aveuglement et dans l'ignorance et l'impossibilité de mettre un nom sur la tristesse d'exister."
Cette "absence au monde", c'est un peu celle de la mère de Delphine de Vigan dans "Rien ne s'oppose à la nuit".
Et si l'on ajoute que la mère de Nathalie Léger est aussi présente dans ce livre où, seule après son divorce, elle s'interroge sur l'intérêt que sa fille porte à  Barbara Loden, on comprend que tous ces destins de femmes ont en commun la solitude et que l'écriture tente d'approcher leurs énigmes.
Un livre de qualité sur l'univers féminin dont les nombreuses références (Delphine Seyrig, Marguerite Duras, Emily Dickinson) disent beaucoup de la difficulté à être soi-même.

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Commentaires
P
Jolie critique mais personnellement , j'ai ressenti un ennui très distingué à la lecture de ce livre un rien élitiste.
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X
J'ai envie de le lire, je le réserverai à la BM à mon retour, en attendant je le note dans ma liste "A lire"
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J
Critique de Mme Landrot (Télérama) lors de la sortie du film :<br /> - "Wanda est la fusion parfaite de Jane Russell et de Marilyn Monroe. De la première, elle a le regard qui fusille. De la seconde, la candeur fragile. De quoi avoir le monde à ses pieds. Alors<br /> Wanda piétine le monde. Elle piétine avec une endurance absurde. Car Wanda est une femme à contretemps. Routarde à la dérive, elle a largué mari, enfants, travail pour se perdre sur les routes de<br /> Pennsylvanie. Dans ce paysage de désolation miniè-re, Wanda fait tache. Une tache de lumière blanche dans la nuit noire. Voilà le premier mystère de ce film unique, sur l'errance intergalactique<br /> d'une Américaine revenue de tout. Longtemps après l'avoir vu, on reste imprégné par ses images éblouissantes... que la mémoire garde bizarrement en noir et blanc. Barbara Loden a tourné un film en<br /> couleurs aveuglant, troué de ces deux couleurs qui se battent fougueusement. Noir des terrils pyramidaux qui jonchent les bas-côtés. Noir des dessous craqués que Wanda enfile en vitesse pour<br /> rattraper au vol un amant fuyard. Noir d'une voiture corbillard qui l'avale in extremis, avant de la vomir sur la première aire d'autoroute venue. Blanc platine des cheveux filasses de Wanda, qui<br /> font le poirier sur son crâne en ébullition. Blanc de ses robes immaculées qu'elle arbore en toutes circonstances. Blanc de la couronne de fleurs qu'elle s'achète en guise de chapeau. Wanda chemine<br /> en tenue de mariée, alors qu'elle sort d'une séparation... Décidément, cette femme fait tout à l'envers. Elle a fui son mariage pour se mettre un autre fil à la patte. Elle refuse une soumission<br /> pour une autre, en se plaçant volontairement sous la coupe d'un petit gangster qui ne l'aime pas. Comme une épouse modèle, la voilà qui s'enquiert de ses migraines, qui sort en pleine nuit pour<br /> assouvir ses petits caprices et lui acheter trois hamburgers sans oignon. La splendeur écorchée du film vient de ce cheminement masochiste, de cette quête à rebrousse-poil d'une perfection<br /> impossible. Tout, dans la cavale de Wanda, n'est qu'écho à sa vie antérieure, répétition tragique d'un destin d'asservissement éternel. Quand elle vient à passer devant une église d'où s'échappe<br /> une musique religieuse, tout prête à croire que la vestale couronnée de fleurs blanches va y entrer pour répondre à cet appel nuptial. Et non, Wanda s'engouffre dans le bâtiment voisin : le musée<br /> des catacombes... La mort n'est jamais loin. Comme si Barbara Loden avait déjà l'intuition que la vie ne tient qu'à un fil. Emportée par un cancer dix ans plus tard, elle signait là son seul film,<br /> une oeuvre d'urgence et de survie. Epouse et actrice d'Elia Kazan, elle s'offrait le film que personne n'avait su, et ne saurait lui donner. Un film amer et implacable, sur la tentative d'éclosion,<br /> malgré l'absence d'avenir. Des pelleteuses sans mission apparente, une fem-me enceinte sans sourire, un enfant en bas âge qui braille pour qu'on le prenne dans les bras : dans chaque coin de<br /> l'écran clignotent des signes de faux espoir de changement. Tout n'est que laideur faussement transitoire, irrémédiablement éternelle. « Je n'ai rien, de toute façon. Je n'ai jamais rien eu, et je<br /> n'aurai jamais rien », ânonne Wanda. « Si t'as rien, tu peux crever », lâche son amant mal intentionné. « Alors, j'existe pas », conclut Wanda. Trois décennies plus tard, épave rayonnante et<br /> insubmersible, elle existe encore, et toujours ..."
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R
<br /> <br /> Merci pour cette critique qui me donne vraiment envie de voir ce film:c'est le reflet de la condition féminine avant les mouvements des années 70, mais au-delà de ça, c'est aussi celui, plus<br /> intemporel, de la difficulté à se trouver.<br /> <br /> <br /> <br />