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Le blog de Ritournelle

L'humain et la haine

Ritournelle

Les animaux se contentent d'être agressifs, alors que nous, nous sommes capables de haine, de rester fixés de manière névrotique et tenace sur l'objet de notre détestation, auquel paradoxalement, nous tenons plus que tout. Pourquoi? Peut-être parce que nous avons refoulé, pour devenir des hommes, cette agressivité naturelle qui fait retour sous une autre forme.
La haine, c'est la métamorphose de l'agressivité animale en une passion tristement humaine. C'est, écrit Spinoza "la tristesse qu'accompagne l'idée d'une cause extérieure". Lorsque je ne supporte pas la diminution de ma puissance d'exister, ma tristesse donc, et que je l'associe à un ou à des autres, aux étrangers par exemple, alors je commence à les haïr. Peu importe que les étrangers soient ou non la cause réelle de la diminution de ma puissance, je les hais dès lors que je me représente, que j'imagine ou que je fantasme leur relation à ma tristesse, à ma souffrance. C'est pourquoi il faut être humain pour haïr : être capable de ces représentations ou de ces fantasmes et même sombrer dedans jusqu'à devenir sourd aux arguments, aveugle au réel lui-même. S'il y a tant de haine, c'est que nous souffrons trop et sommes capables d'imaginer n'importe quelle cause à notre souffrance. Bien sûr, autrui a pu nous offenser réellement, mais si nous nous mettons à le haïr, au lieu de simplement l'agresser, le mépriser ou le fuir, nous nous enfermons nous-mêmes dans la prison de la haine et, finalement nous condamnons à n'en jamais sortir, comme si nous avions aussi de la haine pour nous-mêmes. Est-ce parce que nous nous haïssons de sentir en nous une telle haine?
Achille a beau avoir tué Hector, il traîne son cadavre derrière son char sans que cela l'apaise le moins du monde.
Mais s'il y a tant de haine, c'est aussi bien sûr parce qu'elle est instrumentalisée, voire fabriquée politiquement. Il n'y avait au Rwanda, aucune haine ancestrale entre Hutus et Tutsis, simplement des différends, des querelles qui ont été réinsérés dans un récit destiné à produire de la haine. ici encore, mais pour d'autres raisons, la haine n'est pas première. Elle est un résultat, une issue pathologique donnée au conflit interne qui habite un être de culture. C'est l'agressivité qui est première. refoulée, elle pourra être sublimée de belle manière dans l'art, l'élévation spirituelle, l'investigation intellectuelle...Ou de manière pathologique, obsessionnelle et douloureuse : dans la haine.

Pourquoi tant de haine - C.Pépin - Philosophie magazine n° mars 2017

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Commentaires
G
eh bien le Rwanda c'est Mitterand qui est à la source. et ma haine contre lui date d'une soixantaine d'année.l'enfance est visionnaire et se trompe rarement.<br /> désolée c'est plus fort que moi.
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R
Chacun, dans son histoire personnelle, a des raisons d'éprouver de la haine ; les hommes politiques, de quelque bord qu'ils soient ne sont guère vertueux on le constate tous les jours, hélas!