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Le blog de Ritournelle

Passé et avenir

Ritournelle

Faut-il oublier le passé pour se donner un avenir?

Premières intuitions :
On constate aisément que le passé a tendance à nous modeler: l'éducation reçue, les habitudes contractées motivent souvent nos choix à notre insu. Il est donc très tentant de s'affranchir de tout passé pour construire soi-même son destin.

Pourtant, négliger totalement ce qui a eu lieu pour se tourner vers le futur semble non seulement psychologiquement difficile, mais moralement risqué.
Les enseignements du passé pourraient nous manquer, car l'amnésie volontaire incite à commettre les mêmes erreurs, à répéter les tragédies de l'Histoire.

Il y aurait donc des choix à faire parmi nos souvenirs.
Garder ceux qui nous sont utiles pour l'avenir et repousser ceux qui nous empêchent d'être libres et créatifs. Il s'agit de trouver un juste équilibre entre devoir de mémoire et droit à l'oubli.

Exemples qui viennent à l'esprit :
Le concept de devoir de mémoire
apparaît en France dans les années 70, notamment sous l'influence de Vladimir Jankélévitch, l'Imprescriptible (1971). Contre les populismes, il s'agit de rappeler l'horreur des crimes commis par les nazis afin de ne pas créer les conditions de leur répétition.
Le devoir de mémoire sert la construction d'un avenir démocratique durable.

Dans la nouvelle Funès ou la Mémoire (1942), l'écrivain argentin Borgès décrit le cas d'un homme qui n'oublie rien. Son hypermnésie l'empêche d'agir et le plonge dans une incurable mélancolie.

La maladie d'Alzheimer, dont le film Still Alice de R.Glatzer (2014) montre les effets tragiques sur l'identité, prouve que nous ne saurions vivre sans mémoire. Oublier le passé, c'est ignorer ce que l'on fait au fur et à mesure que l'on agit; c'est ne plus savoir qui l'on est.
Il devient alors impossible de se donner un avenir sans lui.

Références utiles :

F. Nietzsche - Seconde considération intempestive (1874). Le passé, trop souvent érigé en modèle, nous empêche de vivre pleinement le présent. L'oubli n'est pas une défaillance de la mémoire, mais une force de la volonté qui veut savourer la vie. Oublier rend heureux.

Sigmund Freud - Malaise dans la culture (1929). "Rien dans la vie e l'âme ne peut disparaître de ce qui s'y est une fois formé." Ce qui est oublié n'est que refoulé, si bien que pour éviter les retours douloureux du passé, il est nécessaire de l'investir et de le reconstruire afin qu'il n'entrave pas nos projets.

Paul Ricoeur - La Mémoire, l'Histoire, l'Oubli (2000). S'il y a un devoir de mémoire, il y a aussi un droit à l'oubli. Le passé doit être l'objet d'une "mémoire heureuse", c'est à dire "apaisée", celle d'un homme ou d'un peuple capable de pardonner les souffrances vécues et de manifester sa gratitude pour les bienfaits reçus.

Philosophie magazine n° oct.2018 - Sujjet du bac série L en 2010

 

 

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