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Le blog de Ritournelle

La délivrance par les mots

Ritournelle

"Dites ce qui vous vient à l'esprit".
Pour qui a, un jour, fréquenté le divan d'un analyste, la formule s'apparente à un sésame. C'est par ces mots que j'ai longtemps été accueillie durant ma propre cure, par cette même formule que j'invite aujourd'hui mes patients à prendre la parole à chaque début de séance. "Les idées, les images, les sensations telles qu'elles vous viennent...Dites-les." Probablement comme le prononça Freud, en 1889, quand sa patiente Emmy von N. lui intima :" Ne me touchez pas, ne me dites rien, laissez -moi parler librement." Pour le médecin viennois, ce fut un eurêka : fini le recours à la suggestion pour faire parler l'inconscient de ses patients. Dorénavant, la spécificité de la talking cure serait de proposer un dispositif dans lequel les analysants - les patients- s'exprimeraient librement, et où seraient écoutés et déchiffrés leurs dires, même les plus insensés, étranges, obscurs, irrationnels..."Il faut bien que la parole soit entendue par quelqu'un, là où elle ne pouvait être entendue par personne", répétait en son temps Jacques Lacan. Manière d'insister : la parole n'est pas seulement à voir comme le médium de la cure. Pour la psychanalyse, la parole, c'est la cure elle-même.

Un symptôme, ça s'écoute
En cas de souffrances psychiques, notre époque préconise le recours aux thérapies courtes promettant d'éradiquer nos symptômes en quelques rendez-vous. Beaucoup d'entre elles oublient cependant que ceux-ci sont justement à écouter attentivement parce qu'ils ont une valeur. Aux patients qui me demandent parfois un mode d'emploi pour guérir vite, il m'arrive ainsi de répondre : "En entravant votre existence, votre mal-être ne tente-t-il pas de vous dire quelque chose? Un message à propos de vous-même que vous refusez d'écouter?" S'ils consentent à prendre le temps de l'entendre, alors le travail peut commencer. A tâtons bien sûr : pas simple de mettre en mots ses pensées en réactivant les éléments de son histoire. Mais peu à peu, à force de revenir sur ce qui fait traces, en s'écoutant dire, d'autres chemins se dessinent.
Alors on le sent, on le vit : le langage, qui souvent nous aliène, cède peu à peu sa place à la parole qui libère.

Une pratique qui nous transforme
Comment rendre compte de la fonction transformatrice de la parole en psychanalyse, de ses puissants effets de réaménagement psychique?
Si tangible pour l'analysant, ce qui se passe dans la cure est en même temps si difficilement partageable.
Une chose est sûre : être invité à parler, raconter, questionner, associer, élaborer, oui finalement, ça change tout! Parce que progressivement, à force de "s'autoriser à pratiquer sa langue comme elle est", on voit naître sa propre parole et on forge sa propre voix. On devient capable de parler de soi, de se narrer, ce qui dissipe les barrières imaginaires que l'on avait dressées. En ce sens, toute cure est donc une aventure singulière permettant (enfin) d'affirmer ses propres contours. Pour passer d'un "moi" douloureux et indolent à un "je" responsable et désirant, Odyssée sublime, vous dis-je.

Le pouvoir libérateur de la parole - S.Torre-  Psycologies magazine n°fév.2019

 

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