Une forme de vie
Le dernier Nothomb a pour thème un échange épistolaire entre l'auteur et un GI basé à Bagdad. A priori, l'idée peut surprendre, mais elle est née lors d'un récent voyage d'Amélie aux
Etats-Unis où elle a remarqué que beaucoup de soldats revenus d'Irak étaient obèses. Quand on sait que la boulimie est un thème récurrent dans ses livres et qu'elle répond encore personnellemnt à
son courrier, il n'y a là plus rien d'étonnant...
Pour supporter les horreurs de la guerre, la nourriture devient le recours de celui qui s'est enrôlé dans l'armée par nécessité; c'est aussi une façon de dénoncer cette absurdité qui conduit les
hommes à avoir honte d'eux-mêmes.
Devant le grand désarroi du soldat, l'écrivain lui propose de transformer son addiction en oeuvre d'art, ce qui peut être pour lui une forme de reconnaissance, tout en donnant un sens à son
existence. Elle se trouve alors prise au piège de la limite des relations humaines.
Il y a dans ce roman des réflexions intéressantes sur l'échange épistolaire, les relations humaines, l'écriture, les rapports de l'écrivain avec ses lecteurs. C'est toute la personnalité d'Amélie
qui affleure à travers les mots : son naturel, sa générosité, son humour et bien sûr son originalité.
Un très agréable moment de lecture.
"Je suis cet être poreux à qui les gens font jouer un rôle écrasant dans leur vie. Nous avons tous une dimension narcissique et il serait plaisant de m'expliquer ces phénomènes récurrents par ce
qu'il y a en moi d'extraordinaire, mais rien n'est plus extraordinaire en moi que cette malheureuse porosité dont je soupçonne les ravages. les gens sentent que je suis le terreau idéal pour
leurs plantations secrètes."