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Le blog de Ritournelle

Et dans l'éternité je ne m'ennuierai pas - Paul Veyne

Ritournelle
Et dans l'éternité je ne m'ennuierai pas - Paul Veyne

Paul Veyne a 84 ans. Au soir de sa vie, il nous livre ses mémoires avec une grande sincérité. Né dans le Midi, cet homme passionné et altruiste a saisi les opportunités qui s'offraient à lui pour construire son chemin, en n'écoutant que sa voix intérieure. Enfant, au cours d'une promenade près de Cavaillon, il trouve un morceau d'amphore romaine qu'il conserve précieusement sous la cloche abritant le bouquet de mariage de sa mère. Puis en sixième, la lecture de l'Odyssée vient confirmer cette passion naissante pour l'Antiquité. Il décide de devenir professeur de lettres classiques, au grand dam de sa mère qui l'imaginait médecin. : « Ce qu'il y a , c'est que tu aimes lire, mais que tu n'es pas intelligent ». Une phrase choc qui lui fera choisir plus tard des femmes bien différentes d'elle.
Le milieu familial pendant la guerre voit s'affirmer les penchants politiques de son père pour l'extrême droite et la collaboration. Mais Paul, découvrant l'horreur des camps, s'éloigne de son influence pour s'engager dans le parti communiste, puis soutenir le FLN pendant la guerre d'Algérie. Cette nécessité d'expier les erreurs de l'enfance ne le conduisent pourtant pas à un rôle politique de premier plan, car « les intellectuels aiment le risque, mais pas la bagarre. » Professeur respecté pour sa compétence et son anti-conformisme, pendant les événements de 68, il n'est pas chahuté pour la bonne raison qu'entre les cours, il pratique l'alpinisme, (une autre de ses passions)en escaladant la balustrade de la faculté...Son amitié avec le philosophe Raymond Aron lui vaut une chaire d'histoire de Rome au Collège de France. Deux autre figures du 20è siècle, Michel Foucault et René Char lui font partager les bonheurs intellectuels de la pensée philosophique et de la poésie.
Un autre élément important dans la vie de Paul Veyne, c'est la place des femmes et de la sexualité . Se trouvant très laid à cause de la dissymétrie de son visage dûe à une malformation congénitale, il sait qu'il doit séduire autrement que par son physique et ce grand désir de se sentir aimé lui fait surmonter son handicap: « Une mienne singularité est de n'avoir éprouvé aucune timidité à faire la cour ». Et il se marie trois fois, comme Cicéron, César et Ovide, pratique le ménage à trois, en considérant que les rapports homme-femme doivent être conformes à un contrat où chacune des parties gagne et perd quelque chose. Sa description de l'extase lui vaut un tableau d'Ernest-Pignon-Ernest qu'il conserve précieusement.
Le dernier chapitre aborde la perte de l'être aimé, le suicide, l'angoisse de la mort ressentie au moment de la sieste, comme l'acédie vespérale des moines. Dans ce cas, la religion n'offre qu'un point d'interrogation, elle est seulement « émouvante pour ceux qui n'y croient guère » comme le dit Benjamin Constant.

C'est un plaisir de parcourir ce livre qui mêle habilement érudition, gaieté, humour, gravité, pudeur et ce n'est pas un hasard si les références qui ont marqué ce grand homme sont L'éducation sentimentale et La Chartreuse de Parme , tous deux guides de vie et de passion.

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