La chambre des époux - Eric Reinhardt

Le titre de ce roman, qui évoque une fresque en trompe-l'oeil de Mantegna au palais ducal de Mantoue, m'a intriguée , mais en fait, il n'y a pas de rapport entre le thème du livre et cette peinture.

En 2006, la femme de l'écrivain a un cancer du sein stade 4. Lorsqu'il apprend cette dramatique nouvelle, il est en train d'écrire son roman Cendrillon.
Devant son désarroi, sa femme insiste pour qu'il continue à travailler et c'est donc ensemble qu'ils vont lutter contre la maladie. Chaque soir, il lui lit les pages qu'il vient d'écrire, ce qui a pour effet de donner de la force à sa femme.
Leurs efforts conjugués aboutissent à des résultats très positifs : la rémission du cancer et le succès de Cendrillon.
De ces moments forts partagés, l'auteur garde une certaine nostalgie, celle d'une proximité , d'un combat commun victorieux grâce à la beauté :
" Il faudrait toujours se comporter, quelles que soient les circonstances, de manière à devenir nostalgiques, c'est à dire produire de la beauté."
Peu de temps après, Eric Reinhardt rencontre, lors d'une soirée, une amie du chorégraphe Prejlocaj , en rémission elle aussi d'un cancer très grave. Il ressent alors pour elle un grand désir , plus métaphysique que sexuel , parce qu'elle est en vie . Il comprend que cette réaction est due au contrecoup de ce que sa femme a vécu.
Ce premier chapitre du livre a été publié en 2007 dans la magazine Les Inrocks.
Des années après, Eric Reinhardt envisage de le poursuivre par une fiction qui reprend ce même thème : un compositeur de musique dont la femme a un cancer compose une symphonie qui lui vaut une reconnaissance mondiale.
L'histoire se prolonge de façon inattendue...
Ce livre m'a laissé en premier lieu une réaction mitigée avec ces redondances, mais si le fil conducteur du roman est la maladie et sa transcendance par la création, la deuxième histoire fictionnelle permet à l'écrivain d'exacerber ce désir violent né de sa propre souffrance. Sa plume est habile, nerveuse, vibrante,  toujours empreinte de sensualité, comme dans ses précédents romans (L'amour et les forêts, Le système Victoria) . De plus, il livre ici des réflexions intéressantes sur l'amour, le couple, le désir.
" La sexualité conjugale englobe aussi la rêverie sexuelle. Le désir non réalisé, suspendu, émerveillé de lui-même. Avoir envie de faire l'amour, mais ne pas le faire. Se sentir fort de ce désir intériorisé. Ça, c'est l'une des grandes vérités méconnues de la vie de couple."
Une confession intime, utile dans son message universel :
" Pourquoi je raconte ça, ces choses si personnelles, par exhibitionnisme? C'est qu'il se trouve forcément parmi les lecteurs de ces lignes des couples abasourdis par un cancer du sein découvert récemment et qui ont peur, qui sont désemparés et qui peut-être ont besoin d'entendre ceci . C'est qu'il leur appartient d'en faire un moment fort d'amour, de vérité, de beauté, d'exception."