Remonter la Marne - Jean-Paul Kauffmann

Certains vont sur le chemin de St Jacques, d'autres descendent le Danube. Jean-Paul Kauffmann, quant à lui, a choisi de remonter la Marne, de sa confluence avec la Seine jusqu'à sa source. Cheminer avec lui est un bonheur pour plusieurs raisons. D'abord parce qu'on prend le temps d'observer la nature; on s'enfonce dans les sentiers, on est à l'écoute du moindre bruit, on hume les odeurs de l'herbe, de la terre et on laisse les yeux se poser sur les paysages magnifiés par la rambleur, cette lumière si particulière. Dans cette Champagne rurale subsistent encore quelques signes de vie dans les villages:des petits commerces, des cafés où l'on peut faire quelques rencontres, parler de tout et de rien. La Marne a été marquée par la grande Histoire, le chemineau en trouve des traces sur son parcours, et trouve là l'occasion de nous livrer quelques secrets sur les grands personnages qui ont laissé leurs empreintes sur ses rives . Et puis il y a les rencontres d'aujourd'hui, celles qui jalonnent .cette marche. Alors, on se rend compte que parallèlement à ceux qui ont choisi de vivre sur une île, les campagnes sauvages et reculées, les rives des cours d'eau accueillent bien des personnages hors norme, artistes ou solitaires qui ont choisi de vivre à l'écart du monde :

"A sa façon, mon hôte est un homme de la Renaissance, un être raffiné, sans illusions, mais pétri d'humanité. Il possède la gentillesse des gens intelligents, une compréhension désintéressée qui s'ouvre au monde et tourne le dos à la séduction. Elle est attention, vigilance à l'égard d'autrui, et répugne à éblouir ou appâter. il ne s'invente pas un pays imaginaire; peut-être a-t-il choisi l'exil intérieur."

Ce même personnage, capable de citer Léonard de Vinci, semble être d'une grande sagesse : "L'eau des rivières que tu touches est la dernière de celle qui vint et la première de celle qui vient; ainsi est le temps présent." Une façon d'évoquer la vanité des choses et l'irrémédiable du temps qui passe. C'est peut-être cela qui vous a conduit à remonter la Marne.

Ce livre se déguste au rythme de la marche, lentement, en laissant tous les sens à l'écoute, et pourquoi pas, avec une flûte de champagne à la main (surtout pas une coupe, Jean-Paul Kauffmann nous explique pourquoi).
Une lecture apaisante et enrichissante.

Comments

[Balladine]

J'ai aussi beaucoup apprécié ce livre, et je ne regarde désormais plus la Seine de la même façon, car ce serait logiquement la Marne!

[Ritournelle]

Dans le même ordre d'idées, Claudio Magris dans son livre, Danube, nous livre une double quête:la sienne et celles des peuples qui le bordent;c'est un livre très dense, chargé d'Histoire, très enrichissant.

[JEA]

les rivières sont comme des veines ou des lignes de vie
les suivre, de préférence en les remontant (question de perspectives), c'est remonter à la fois le temps et en soi
les rencontrer, de préférence en ne négligeant aucune saison, c'est rencontrer des arbres qui en savent, des pierres qui en ont roulé, des bâtisses qui résistent aux ruines, des gens qui ne parlent jamais pour ne rien dire

[Ritournelle]

Ce que tu dis est très juste; la nature porte en elle bien des secrets et les gens qui l'ont choisie au quotidien sont loin d'être superficiels.

[dominique]

c'est étonnant d'apprendre que la France tellement peuplée et petite peut encore cacher des personnes qui ont trouvé des coins pour vivre à l'écart du monde.

[Ritournelle]

C'est vrai que par rapport au Canada, la France est petite mais les campagnes se sont fortement dépeuplées depuis 30, 40 ans, ce qui laisse pas mal d'opportunités à ceux qui fuient le foule...